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parable à la vieillesse : au contraire, le commencement du matin ressemble à la jeunesse : il est consolé, confiant ; le soir est triste, découragé, enclin à mal espérer. Mais cette jeunesse, que les mortels éprouvent chaque jour, est à l’image de la jeunesse de la vie entière : brève et fugitive ; et bientôt le jour, pour eux, se transforme en vieillesse.

La fleur des années, quoiqu’elle soit le meilleur de la vie, est pourtant chose misérable. Même ce pauvre bien manque si vite que quand la créature vivante s’aperçoit à plus d’un signe du déclin de son être, c’est à peine si elle en a éprouvé la perfection, et si elle a pu sentir et connaître pleinement ses propres forces qui déjà s’affaiblissent. Pour tout être mortel, vivre c’est, presque tout le temps, se faner. Tant, dans toute son œuvre, la nature est tournée et dirigée vers la mort ! C’est le seul motif pour lequel la vieillesse prévaut, si manifestement et si longtemps, dans la vie et dans le monde. Chaque partie de l’univers se hâte infatigablement vers la mort, avec un empressement et une célérité admirables. Seul l’univers même apparaît exempt de chutes et de défaillances : si dans l’automne et dans l’hiver il se montre comme malade et vieux, toujours cependant, à la saison nouvelle, il rajeunit. Mais comme les mortels ont beau reprendre au début de chaque jour quelque parcelle de jeunesse, ils vieillissent néanmoins tout