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en plus grand état qu’il n’a jamais été : il tient dans les nations civilisées une place et il remplit un office qui suppléent au rôle joué en d’autres temps par la vertu, la justice, l’honneur, etc. Or, pour conclure au sujet du chant des oiseaux, je dis que si l’on est réconforté ou réjoui à voir ou à deviner en autrui une joie dont on n’ait pas à être jaloux, la nature a montré une très louable prévoyance en faisant que le chant des oiseaux, qui est une démonstration d’allégresse et une espèce de rire, fût publique, tandis que le chant et le rire des hommes, eu égard au reste de la terre, sont chose privée : et elle pourvut sagement à ce que la terre et l’air fussent semés d’animaux qui, tout le jour, par leurs chants de joie sonores et solennels, applaudissent, pour ainsi dire, à la vie universelle, et excitassent les autres vivants à l’allégresse, en donnant des témoignages continuels, bien que faux, de la félicité des choses.

Et si les oiseaux sont et se montrent plus joyeux que les autres animaux, ce n’est pas sans de sérieux motifs. Car vraiment, comme je l’ai indiqué au commencement, ils sont, de nature, mieux faits pour jouir et pour être heureux. Premièrement, il ne semble pas qu’ils soient sujets à l’ennui. Ils changent de lieu à chaque instant ; ils passent d’un pays dans un autre, aussi éloigné qu’on voudra, et des plus basses aux plus hautes régions de l’air, en peu de temps et avec une facilité merveilleuse ; ils