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honnête puisse être de quelque utilité. La question, en somme, se réduit à ceci : lequel vaut le mieux, ne pas souffrir ou souffrir ? Je sais bien que jouir et souffrir ensemble serait sans doute préféré de presque tous les hommes à un état où on ne souffrirait ni on ne jouirait : tant notre âme désire la jouissance, tant elle en a soif ! Mais la question ne se pose pas en ces termes : car la jouissance et le plaisir, à dire vrai, sont aussi impossibles que la souffrance est inévitable. Et je parle d’une souffrance aussi continuelle que le sont le désir et le besoin de la jouissance et de la félicité, désir et besoin qui ne trouvent jamais satisfaction ; je laisse de côté les souffrances particulières et accidentelles qui arrivent à chaque homme et qui sont également certaines, c’est-à-dire qu’elles doivent certainement se produire, plus ou moins, sous une forme ou sous une autre, même dans la vie la plus fortunée du monde. Et en vérité, une seule et brève souffrance, qu’on serait sûr de subir en continuant à vivre, serait suffisante, au point de vue de la raison, pour faire préférer la mort à la vie, puisqu’il ne peut se rencontrer dans notre vie ni un bien ni un plaisir véritable, ni, par conséquent, aucune compensation.


Porphyre.

Il me semble que l’ennui même et la privation de toute espérance d’améliorer son état et sa for-