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quels cas ? Non : ils ne suivent pas la nature primitive, mais cette seconde nature ou, pour mieux dire, la raison. Pourquoi cet acte de s’enlever la vie devra-t-il seul être apprécié, non d’après la nature nouvelle ou la raison, mais d’après la nature primitive ? Pourquoi la nature primitive, qui ne donne plus de lois à notre vie, devra-t-elle en donner à notre mort ? Pourquoi la raison ne doit-elle pas gouverner la mort, puisqu’elle règle la vie ? Et nous voyons qu’en fait, d’une part la raison, d’autre part les misères de notre état présent, non seulement éteignent, surtout chez les infortunés et chez les affligés, cette horreur innée de la mort, mais la changent en désir et en amour, comme je l’ai dit plus haut. Une fois que ce désir est né, qui, selon la nature, n’aurait pas pu naître, et qu’en même temps notre propre changement, que la nature n’a pas voulu, nous a entouré de misères, il serait manifestement contradictoire et absurde qu’il y eût place en outre pour une défense naturelle de se tuer. En voilà, je crois, assez pour ce qui est de savoir s’il est permis de se tuer soi-même. Reste à examiner si c’est utile.


Plotin.

Il n’est pas besoin que tu l’entreprennes, mon cher Porphyre : si cette action est permise, je ne doute pas qu’elle ne soit très utile, moi qui ne reconnaîtrai jamais qu’une action injuste et mal-