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bonne partie de quelque malaise physique : mais elle n’en est pas moins très raisonnable. Il y a plus : toutes les autres dispositions des hommes, par lesquelles ils vivent et croient que la vie et les choses humaines ont quelque substance, sont plus ou moins éloignées de la raison et se fondent sur quelque erreur et sur quelque imagination fausse. Mais rien n’est plus raisonnable que l’ennui. Les plaisirs sont tous vains. La douleur même, je parle de celle de l’âme, est vaine la plupart du temps : car à la considérer dans ses causes ou dans son objet, elle n’a rien ou presque rien de réel. Je dis la même chose de la crainte, la même chose de l’espérance. Seul l’ennui, qui naît toujours de la vanité des choses, n’est jamais ni vanité ni erreur : il ne repose jamais sur rien de faux. Et l’on peut dire que, si tout le reste est vain, tout le réel et tout le solide de la vie humaine se ramènent à l’ennui, consistent dans l’ennui.


Plotin.

Soit. Je ne veux pas te contredire sur ce point. Mais il nous faut maintenant considérer l’acte auquel tu songes, je veux dire le considérer de plus près et en lui-même. Je ne te dirai pas que c’est une pensée de Platon, comme tu le sais, qu’il n’est pas permis à l’homme de s’évader volontairement, à la manière d’un esclave fugitif,