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Quant à la question de savoir si la vie est un bien par elle-même, j’attends que tu me le prouves, avec des raisons physiques ou métaphysiques empruntées à n’importe quelle doctrine. Pour moi, je dis que la vie heureuse serait sans doute un bien, mais comme heureuse, non comme vie. La vie malheureuse, en tant que malheureuse, est un mal, et, attendu qu’il est dans la nature, du moins dans celle des hommes, que la vie et l’infélicité ne peuvent se séparer, tire toi-même les conséquences de cela.

Le physicien.

De grâce, laissons cette question, qui est trop mélancolique, et, sans trop de subtilités, réponds-moi sincèrement. Si l’homme vivait ou pouvait vivre éternellement (je veux dire sans mourir, et non après sa mort), crois-tu que cela ne lui plairait pas ?

Le métaphysicien.

À une supposition fabuleuse je répondrai par une fable, d’autant plus que je n’ai jamais vécu éternellement et que je ne puis te répondre par expérience. D’ailleurs, je n’ai même jamais parlé à quelqu’un qui fût immortel, et, sauf dans les fables, je ne trouve nulle mention de personne semblable. Si Cagliostro était ici, il pourrait peut-