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LE PREMIER AMOUR.

(1831.)


Il me revient à l’esprit, le jour où je sentis pour la première fois l’assaut de l’amour et où je dis : Hélas ! si c’est l’amour, comme il fait souffrir !

Les yeux à toute heure tournés et fixés vers le sol, je regardais celle qui la première et innocemment ouvrit l’entrée de ce cœur.

Ah ! comme tu m’as mal gouverné, amour ! Pourquoi une si douce passion devait-elle apporter avec elle tant de désir, tant de douleur ?

Pourquoi ce plaisir si grand me descendait-il dans le cœur, non pas serein, entier et libre, mais plein de souffrance et de lamentation ?

Dis-moi, tendre cœur, quelle crainte, quelle angoisse éprouvais-tu au milieu de cette pensée auprès de laquelle toute joie t’était un ennui ?

Cette pensée, qui le jour, qui la nuit s’offrait à toi, séductrice, alors que tout paraissait tranquille dans notre hémisphère ;

Inquiète, heureuse et misérable, tu brisais mon