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IV

POUR LES NOCES DE MA SŒUR PAULINE.

(1824.)


Puisque tu quittes le silence du nid paternel, les fantômes heureux et l’antique erreur, ce don céleste qui embellit à tes yeux ce rivage solitaire, puisque le destin t’entraîne dans la poussière et le bruit de la vie, apprends à connaître la vie d’opprobre que le ciel dur nous a prescrite, ô ma sœur ! Tu vas accroître la malheureuse famille de la malheureuse Italie. Fais pour tes enfants provision d’exemples courageux. La destinée humaine a interdit à l’humaine vertu de respirer un air doux, et une poitrine trop frêle ne peut renfermer une âme pure.

Ou malheureux ou lâches seront tes fils. Choisis-les malheureux. Entre la fortune et le courage les mœurs corrompues ont placé un immense abîme. Ah ! c’est trop tard, c’est dans le soir des choses humaines que celui qui naît acquiert le mouvement et le sentiment. C’est l’affaire du ciel : toi, fixe en ton âme cette pensée dominante