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dévorés par les bêtes ; et le nom des vaillants et des forts se confondra toujours et ne fera qu’un avec celui des lâches et des vils. Âmes chères, bien qu’infinie soit votre infortune, donnez-vous la paix ; et que ceci vous console que vous n’aurez aucune consolation ni dans cet âge ni dans l’âge futur. Dans le sein de votre douleur sans limites, reposez-vous, ô vrais fils de Celle à la suprême adversité de laquelle la vôtre est seule assez grande pour ressembler.

Votre patrie ne se plaint pas de vous, mais de celui qui vous pousse à combattre contre elle, si bien que toujours elle pleure amèrement et confond ses larmes avec les vôtres. Oh ! si celle qui surpassa toute gloire pouvait faire naître la pitié au cœur de l’un des siens, et si cet homme la pouvait retirer du gouffre si noir et si profond où elle s’épuise et s’engourdit ! Ô glorieux esprit, dis-moi : L’amour de ton Italie est-il mort ? Dis : cette flamme dont tu brûlas, est-elle éteinte ? Dis : ne reverdira-t-il plus jamais, ce myrte qui allégea pour si longtemps notre mal ? Nos couronnes sont-elles toutes éparses sur le sol ? Ne surgira-t-il jamais personne qui te ressemble par quelque côté ?

Avons-nous péri pour toujours ? et notre honte n’a-t-elle aucune fin ? Moi, tant que je vivrai, j’irai criant partout : Tourne-toi vers tes aïeux, race dégénérée, regarde ces ruines, ces livres, ces