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où gisait celui dont les vers ont fait que le chantre Méonien n’est plus seul, et, ô honte, ils entendaient dire, non seulement que la cendre froide et les os nus du poète gisaient encore, depuis sa mort, dans l’exil, sous une terre étrangère, mais encore que dans tes murs, Florence, il ne s’élevait pas une pierre en l’honneur de celui dont le génie te fait honorer du monde entier. Hommes pieux ! par vous notre pays lavera un opprobre si triste et si humiliant. Tu as entrepris une belle œuvre, groupe vaillant et courtois, et qui te vaut l’amour de tout cœur que brûle l’amour de l’Italie.

Qu’il vous aiguillonne, l’amour de l’Italie, ô amis, l’amour de cette malheureuse pour qui la pitié est morte désormais dans toute poitrine, parce que le Ciel lui a donné des jours amers après une belle saison. Que votre courage soit accru, que votre œuvre soit couronnée par la miséricorde, ô fils d’Italie, et par la douleur et la colère d’un tel outrage, qui baigne de larmes ses joues et son voile. Mais vous, de quelle parole ou de quel chant doit-on vous parer, vous qui donnerez à cette douce entreprise vos soins et vos conseils, et qui y mettrez votre génie et votre main ? Quels accents vous enverrai-je qui puissent faire naître une nouvelle étincelle dans votre âme enflammée ? La hauteur du sujet vous inspirera ; il vous enfoncera dans le sein d’acres aiguillons. Qui dira les flots et le trouble de votre fureur et de votre immense