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Est-elle éteinte ? Dis, ce myrte, frais symbole,
Qui longtemps allégea les maux dont il console,
Ne verdira-t-il plus pour nous ? Et ces lauriers,
Sont-ils morts à jamais, qu’ont ceints nos fronts guerriers ?
Ne surgira-t-il pas un homme à l’âme ardente,
De si loin que ce soit, qui te ressemble, ô Dante !

Avons-nous donc péri pour toujours ! pour toujours
Par des hontes sans fin compterons-nous les jours !..
Moi, tant que je vivrai, j’irai criant sans cesse :
Race dégénérée, abjure ta bassesse !
Rougis de ton présent ! Vers tes nobles aïeux
Retourne-toi ! Repais de leur passé tes yeux !
Regarde ces débris, héroïques vestiges
De siècles glorieux et féconds en prodiges !
Regarde cette terre où d’immortels esprits
Ont semé leurs pensers, leurs travaux, leurs écrits,
Ces toiles, ces palais, ces marbres et ces temples !
Regarde ! et si l’éclat de tant de hauts exemples
Ne peut te réveiller, qu’attends-tu ? Lève-toi !
Va-t’en ! Si cette terre où fleurit autrefoi
L’école des grands cœurs et des illustres tâches,
Si cette noble terre est la terre des lâches
Désormais et l’asile où tes abjections
S’étalent au mépris heureux des nations,
Honte de nos aïeux, mieux vaut que cette terre
Reste vide à jamais, et veuve, et solitaire !