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Au pays dont, mourants, ils évoquaient l’image ;
Et c’est ainsi qu’ils ont franchi le dur passage.
Sur cette mer gelée au blafard horizon,
D’un destin implacable implacable prison,
La neige pour linceul, leurs corps sans sépulture
Aux fauves affamés ont servi de pâture.
Et les vaillants, les purs, les meilleurs, les virils,
S’en vont de pair avec les lâches et les vils !
Chères âmes, soyez en paix ! Quelque infinies
Qu’aient été vos douleurs, dormez, ombres bénies !
Que ceci vous console : à votre affliction,
Il n’est point sous le ciel de consolation !
Dans votre adversité stérile et si cruelle,
Reposez à jamais, vous les vrais fils de Celle
Dont vos maux ignorés et votre obscur malheur
Peuvent seuls égaler la suprême douleur !

Non ! ce n’est point de vous que se plaint votre mère,
Mais de qui vous plongea dans cette lutte amère
Où vous avez servi contre elle ! aussi, ses yeux
Mêlent à vos sanglots les pleurs silencieux.
Oh ! si dans l’un des siens, si la pitié pour Celle
Dont la gloire éclipsa toute gloire mortelle,
Pouvait naître ! Et ce fils, cœur haut et valeureux,
S’il pouvait l’arracher au gouffre ténébreux
Où sa vigueur languit et s’épuise avilie !…
O glorieux esprit, dis, pour ton Italie
Tout amour est-il mort ? Et cette mâle ardeur
Qui t’enflammait jadis et t’embrasait le cœur,