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Avant que votre culte et votre souvenir
S’éteignent dans le cœur des peuples à venir !
O soldats du devoir, votre pure victoire
Est de celle qu’avoue avec orgueil la Gloire,
Car votre cause est sainte, et l’immortalité
Qui vous attend, grandit en vous l’humanité !
Votre deuil est un chant triomphal, votre tombe
Un autel où viendront, à défaut d’hécatombe,
Les vierges de l’Hellade à vos mânes guerriers
Offrir les blancs lotus unis aux verts lauriers.
Les mères y viendront aux fils des libres races
De votre noble sang montrer les nobles traces.
Et moi-même ayant eux, voici que prosterné,
J’embrasse tout en pleurs le sol où je suis né,
Ces rochers, ces gazons, cette terre trempée
De votre sang, qu’illustre à jamais votre épée !…
O héros ! que ne suis-je avec vous là-dessous !…
Endormi sur ton sein, à mes membres dissous
Ton poids serait léger, terre auguste et si douce !
Mais, contraire à mes vœux si le sort les repousse,
S’il ne m’est pas donné, tombant aux premiers rangs,
De fermer pour la Grèce un jour mes yeux mourants,
Puisse du moins le nom modeste du poète,
Dont la lyre traduit et dont la voix répète
De la patrie en deuil l’hymne religieux,
Puisse mon humble nom par la faveur des Dieux,
Reflétant un rayon de votre gloire aimée,
Durer dans la splendeur de votre renommée !