Page:Leopardi - La Poésie, trad. Lacaussade, 1889.djvu/64

Cette page n’a pas encore été corrigée

Voyez ! tel un lion au milieu d’un troupeau
De bœufs terrifiés : il brise à l’un l’échiné,
Et de ses crocs aigus lui lacère la peau ;
Il ouvre à l’un le ventre, à l’autre la poitrine,
Et dans un tourbillon de poussière et de sang
Roule, bondit et mord, terrible et rugissant !
Telle sur l’ennemi s’abattait la colère,
La vaillance des Grecs ! Voyez, jonchant la terre,
Chevaux et cavaliers de javelots percés,
Tentes et chariots rompus et renversés,
Et, dans l’ardent chaos de l’ardente mêlée,
Des vaincus effarés la fuite échevelée !
Voyez ! à l’horizon, fantassins, cavaliers,
Comme un long vol d’oiseaux s’élancent par milliers ;
A leur tête, les yeux hagards, la face blême,
Sur l’aile de la peur fuit le tyran lui-même.
Voyez, trempés du sang des barbares punis,
Les Grecs, cause de maux et de deuils infinis
Pour la Perse, à leur tour, sur l’horrible rivage,
De blessures vaincus, épuisés de carnage,
L’un sur l’autre tomber et mourir triomphants !
Honneur à vous, ô morts immortels ! fiers enfants
De la Grèce ! à jamais vous vivez dans la gloire !
Les siècles entendront les siècles vous vanter
Tant qu’il existera chez l’homme et dans l’histoire
Un roseau pour écrire, une voix pour chanter !

« Oui, les astres, tombant de la voûte sublime
Dans la mer, s’éteindront sous les eaux de l’abîme,