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Je le demande au ciel, au noir destin, au monde,
Dites-le-moi : d’où vient cette chute profonde ?
Et, le pire des maux par le sort infligés,
Ses bras, ses nobles bras de chaînes sont chargés !
Sans voile, les cheveux épars, assise à terre,
Désespérée et seule en sa détresse amère,
Le front sur les genoux, ainsi que Niobé
Veuve d’un peuple mort à ses côtés tombé,
Muette, elle pleure… Oui ! pleure, ô mon Italie !
Pleure sous les affronts ta gloire ensevelie !
Pleure, toi qui devais, sous les cieux irrités,
Surpasser tes grandeurs par tes calamités !

Et même quand tes yeux seraient deux sources vives,
Quelles larmes jamais lavant ton déshonneur,
Quels pleurs pourraient suffire à pleurer ton malheur !
A tant d’abjection faut-il que tu survives !…
Tu fus reine et maîtresse ; esclave désormais,
Aux fers de l’étranger, eh quoi ! tu te soumets !
Eh ! qui parle de toi sans dire : elle fut grande,
Et grande elle n’est plus ! Que l’avenir lui rende
L’éclat de son passé, jamais ! — Pourquoi ? pourquoi ?
Qu’as-tu fait de ta force antique, réponds-moi,
O mère ! Qui brisa ton glaive et t’a trahie ?
Pour purger d’étrangers ta demeure envahie,
N’as-tu plus ta valeur et tes armes ! l’amour,
Le dévoûment vengeur de qui te doit le jour !
N’as-tu pas des aïeux l’exemple, et ta souffrance !
As-tu tout abdiqué, tout, jusqu’à l’espérance !