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Brise aux rochers les flots de sa nappe fumante.
La malheureuse, hélas ! se sentant défaillir,
Par moments s’arrêtait, et, dans son épouvante,
Regardait ; puis soudain se prenait à courir.
Ses vêtements légers, dans sa hâte mortelle,
Et ses cheveux flottaient et volaient derrière elle.
De sa jeune poitrine elle fendait le vent,
L’inexorable vent dont le souffle sauvage
De gouttes d’eau fouettait et glaçait son visage.
La foudre s’avançait sur elle en rugissant
Comme une bête fauve, et la pluie et l’orage
Sur sa tête éperdue allaient toujours croissant.
Et, chose horrible à voir, mêlés à la poussière,
Feuilles, branches, rameaux brisés, fragments de pierre
Autour d’elle volaient, tourbillons déchaînés.
Elle couvrait ses yeux brûlés par la lumière.
Dans ce chaos de bruits à ses pas acharnés,
Ses vêtements serrés sur son sein, sur sa tête,
Elle hâtait sa course à travers la tempête.
Mais, l’aveuglant d’éclairs, si près d’elle éclata
La foudre que transie et clouée à la terre,
Et le cœur lui manquant, froide elle s’arrêta.
Un grand silence alors se fit ; le vent tomba ;
L’éclair dans le ciel noir s’éteignit ; le tonnerre
Se tut : la jeune femme était changée en pierre.