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passera à monter la garde autour de ces amas inutiles, dans les soucis, dans la crainte. Il se barricadera dans son domicile, et n’osera pas sortir sans escorte, (de peur d’être pillé, enlevé, rançonné). N’est ce pas là une vraie misère ? Eh bien, ceux qui la souffrent, ne la sentent pas. Inconscients dans le présent, ils ne savent pas non plus prévoir l’avenir. Quand l’heure du malheur sonnera, ils seront surpris, et tous leurs biens ne leur vaudront pas même un jour de répit. Bien fou est celui qui se fatigue l’esprit et qui use son corps, pour aboutir à pareille fin.


Chap. 30. Spadassins.

A.   Le roi Wenn de Tchao était passionné pour l’escrime. Les spadassins de profession affluaient à sa cour. Il donnait l’hospitalité à plus de trois mille hommes de cette sorte, qui se battaient devant lui, quand il lui plaisait, de jour ou de nuit. Chaque année plus de cent étaient tués ou grièvement blessés dans ces joutes. Mais ces accidents ne refroidissaient pas la passion du roi. Il y avait trois ans que ce manège durait. Le royaume se trouvant fort négligé, ses voisins jugèrent le moment favorable pour s’en emparer. Ce qu’ayant appris, le prince héritier Li fut très affligé. Il réunit ses amis et leur dit : Celui qui aura pu persuader au roi de mettre fin à ces combats de bretteurs, je lui donnerai mille taëls en récompense. ... Tchoang-tzeu seul est capable de faire cela, dirent les amis du prince. — Aussitôt le prince envoya des courriers, pour inviter Tchoang-tzeu et lui offrir mille taëls. Tchoang-tzeu refusa l’argent, mais suivit les envoyés. Que désirez vous de moi, et pourquoi m’avez-vous offert mille taëls ? demanda-t-il au prince. — J’ai ouï dire que vous êtes un Sage, dit celui- ci, voilà pourquoi j’ai commencé par vous envoyer respectueusement mille taëls, en attendant ce qui viendra ensuite. Vous avez refusé mon présent. Comment oserais-je alors vous dire ce que je désirais de vous ? — J’ai ouï dire, dit Tchoang-tzeu, que vous désirez que je guérisse le roi votre père d’une certaine passion. Si je l’offense, il me