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artificielles). Mais, ce qu’il affirma ensuite, le crut-il plus fermement que ce qu’il avait affirmé auparavant ? — Je pense, dit Hoei-tzeu, que Confucius agit toujours d’après ses convictions. — J’en doute, dit Tchoang-tzeu. Mais, quoi qu’il en soit, après sa conversion il enseigna que tout vient à l’homme de la grande souche ; que son chant doit être conforme à la gamme et sa conduite à la loi ; que, dans le doute moral spéculatif ou pratique, il fallait se décider sur le qu’en dira-t-on ; qu’il fallait se soumettre de cœur aux coutumes établies par l’état, quelles qu’elles fussent ; etc. ... Suffit ! suffit ! je ne puis le suivre jusque là. — Pour bien faire, l’homme doit suivre son instinct naturel.


C.   Tseng-tzeu fut deux fois fonctionnaire, dans des états d’esprit qu’il explique ainsi : Durant ma première charge, j’eus un traitement de trente et quelques boisseaux de grain seulement ; mais, mes parents encore vivants pouvant en profiter, je remplis cette charge avec plaisir. Durant ma seconde charge, j’eus un traitement de cent quatre-vingt-douze-mille boisseaux ; mais, mes parents défunts ne pouvant plus en profiter, je remplis cette charge avec déplaisir. — Les disciples demandèrent à Confucius : n’y a-t-il pas, dans cette conduite de Tseng-chenn, quelque attache de cœur vicieuse ? — Sans doute, dit Confucius ; attache de cœur à son traitement, qu’il n’aurait pas dû regarder plus qu’un moustique ou qu’une grue passant devant ses yeux. — En réalité, attache de cœur à ses parents. Mais la piété filiale étant la base de son système, Confucius ne voulut pas le dire. Tchoang-tzeu le met en mauvaise posture, et insinue que même l’attache aux parents est contre la nature pure, puisqu’elle cause plaisir ou chagrin.


D.   Yen-tch’eng-tzeu You dit à Tong-kouo-tzeu K’i : Depuis que je suis votre disciple, j’ai passé par les états que voici : Au bout d’un an, j’eus retrouvé ma simplicité native. Au bout de trois ans, je perdis le sens du moi et du toi. Au bout de quatre ans, je fus indifférent et insensible. Au bout de cinq ans, je commençai à vivre d’une vie supérieure. Au bout de six ans, mon esprit, entièrement concentré dans mon corps, ne divagua plus. Au bout de sept ans, j’entrai en communication avec la nature universelle. Au bout de huit ans, je cessai de me préoccuper de la vie et de la mort. Enfin, après neuf années, le mystère s’accomplit ; je me trouvai uni au Principe. C’est l’activité durant la vie qui cause la mort. C’est le principe yang (la nature), qui cause la vie. Donc la vie et la mort sont choses vulgaires. Y a-t-il lieu de s’en tant préoccuper ? — On calcule les phénomènes célestes, on mesure les surfaces terrestres ; sciences superficielles, qui ne vont pas jusqu’à la raison profonde de l’univers. Ne sachant rien du commencement et de la fin, pouvons-nous savoir si le monde est régi ou non par une loi, laquelle supposerait un auteur ? Ce qu’on donne parfois pour des sanctions, pouvant n’être qu’un jeu du hasard, comment savoir s’il y a ou non des mânes subsistants ? Le sens est, on ne peut rien savoir d’une cause en dehors de nous ; la vie est affaire d’évolution ; la mort est le fait de l’usure.   E.   Les pénombres (symbolisant les demi-savants) dirent à l’ombre (ignorance taoïste) : Vous êtes tantôt baissée puis dressée, ramassée puis éparpillée, assise puis debout, en mouvement puis en repos ; quelle est la raison de tous ces changements ? — Je ne sais pas, dit l’ombre. Je suis ainsi, sans savoir pourquoi. Je suis, comme l’enveloppe d’où est sortie une