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Celui qui imite le Principe diminue son action de jour en jour, jusqu’à arriver à ne plus agir du tout. Quand il en est arrivé là (au pur laisser-faire), alors il est à la hauteur de toute tâche. Mais revenir ainsi en arrière, jusqu’à l’origine, c’est chose très difficile, à laquelle l’homme supérieur seul arrive. — La vie succède à la mort, la mort est l’origine de la vie. Le pourquoi de cette alternance est inscrutable. ... La vie d’un homme tient à une condensation de matière, dont la dissipation sera sa mort ; et ainsi de suite. Cela étant, y a-t-il lieu de se chagriner de quoi que ce soit ?.. Tous les êtres sont un tout, qui se transforme sans cesse. On appelle les uns beaux, et les autres laids. Abus de mots, car rien ne dure. À sa prochaine métamorphose, ce qui fut beau deviendra peut-être laid, ce qui fut laid deviendra peut-être beau. ... C’est ce que résume cet adage : Tout l’univers est une seule et même hypostase. Le Sage n’estimant et ne méprisant aucun être en particulier donne toute son estime à l’unité cosmique, au grand tout. — (Ce qui suit paraît être un fragment intercalé.) Résumant sa conversation avec Hoang-ti, Connaissance dit : Inaction n’a pas su que répondre ; Abstraction a oublié de répondre ; Vous avez répondu. puis avez rétracté votre réponse. ... Oui, dit Hoang-ti. On ne peut rien dire du Principe. Qui en parle, a tort. ... Inaction et Abstraction entendirent parler de cette réponse de Hoang-ti, et la jugèrent bonne.


B.   Le ciel et la terre, si majestueux, sont muets. Le cours des astres et des saisons, si régulier, n’est pas réfléchi. L’évolution des êtres suit une loi immanente, non formulée. Imitant ces modèles, le sur-homme, le Sage par excellence, n’intervient pas, n’agit pas, laisse tout suivre son cours. Le binôme transcendant ciel-terre préside à toutes les transformations, à la succession des morts et des vies, aux mutations de tous les êtres, sans qu’aucun de ces êtres ait une connaissance explicite de la cause première de tous ces mouvements, du Principe qui fait tout durer depuis le commencement. L’espace immense est l’entre-deux du ciel et de la terre. Le moindre fétu doit son existence au ciel et à la terre. Le ciel et la terre président à l’évolution continuelle des êtres, qui tour à tour s’élèvent ou s’enfoncent ; à la rotation régulière du yinn et du yang, des quatre saisons, etc. Des êtres, certains semblent disparaître, et continuent pourtant d’exister ; d’autres, pour avoir perdu leur corps, n’en deviennent que plus transcendants. Le ciel et la terre nourrissent tous les êtres, sans que ceux-ci le sachent. De cette notion de l’univers, nous pouvons remonter à la connaissance confuse de sa cause, le Principe. C’est la seule voie. On peut dire du Principe seulement qu’il est l’origine de tout, qu’il influence tout en restant indifférent.


C.   Nie-k’ue demanda à Pei-i de lui expliquer le Principe. Pei-i lui dit : Réglez vos mœurs, concentrez vos perceptions, et l’harmonie universelle se prolongera jusqu’en vous. Rentrez vos facultés, unifiez vos pensées, et l’esprit vital de l’univers habitera par un prolongement en vous. L’action du Principe se communiquant à vous, deviendra en vous le principe de vos qualités. Vous habiterez dans le Principe. Vous acquerrez la simplicité du veau qui vient de naître, et cesserez de vous préoccuper de ce que vous êtes et d’où vous êtes venu. ... Avant que Pei-i eût achevé sa tirade, Nie-k’ue se trouva profondément endormi (ravi en extase). Émerveillé, Pei-i chanta : Voilà son corps devenu comme un bois mort, et son cœur comme de la