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la conservation de la vie. Veuillez me redire ce que vous lui avez entendu dire sur ce sujet. — Que puis-je vous dire ? fit T’ien-k’aitcheu, moi qui étais balayeur dans la maison de Tchou-hien[1]  ! — Ne vous dérobez pas, maître T’ien, dit le duc ; je tiens à être satisfait. Alors Tien-k’aitcheu dit : Tchou-hien disait que, pour conserver sa vie, il faut faire comme font les bergers, lesquels, quand un mouton s’écarte, le fouettent pour lui faire rejoindre le troupeau, où il est en sûreté. — Qu’est-ce à dire ? fit le duc. — Voici, dit Tien-k’aitcheu. Dans la principauté de Lou, un certain Chan-pao passa sa vie dans les montagnes, ne buvant que de l’eau, n’ayant aucun rapport avec les hommes. Grâce à ce régime, à l’âge de soixante-dix ans, il était encore frais comme un enfant. Un tigre affamé l’ayant rencontré, le dévora. ... Le médecin Tchang-i était des plus habiles. Riches et pauvres se disputaient ses consultations. À l’âge de quarante ans, il mourut d’une fièvre contagieuse, gagnée au chevet d’un malade. ... Chan-pao soigna son esprit vital, mais laissa dévorer son corps par un tigre. Tchang-i soigna son corps, mais laissa détruire son esprit vital par la fièvre. Tous deux eurent le tort de ne pas fouetter leur mouton (de ne pas veiller à leur sécurité). Confucius a dit : « pas trop d’isolement ; pas trop de relations ; le juste milieu, voilà la sagesse. » Quand, dans un passage dangereux, les accidents sont arrivés assez souvent, les hommes s’avertissent mutuellement, ne passent plus qu’en nombre, et avec les précautions voulues. Tandis qu’ils ne s’avertissent pas des dangers inhérents à une conduite ou à une diététique excentrique. C’est déraisonnable !


F.   Le préposé aux sacrifices étant allé visiter, en grand costume officiel, l’enclos des porcs destinés au sacrifice, tint à ces animaux le discours suivant : Pourquoi mourez-vous de si mauvaise grâce, alors que votre mort vous procure tant d’avantages et d’honneurs ? Je vous engraisse durant trois mois. Avant le sacrifice, je garde, à cause de vous, la continence durant dix jours et l’abstinence durant trois jours. Après le sacrifice, je dispose vos membres en bel ordre, sur des nattes blanches, sur les dressoirs sculptés. N’avez-vous pas tort de faire ainsi les mauvaises têtes ? — Si cet homme avait vraiment songé au bien des porcs, il aurait choisi pour eux de vivre dans leur enclos jusqu’au terme de leurs jours, fût-ce avec de la balle et du son seulement pour nourriture. Mais il songeait à son bien propre, à sa charge, à ses émoluments, à ses funérailles comme fonctionnaire après sa mort. Lui étant content parce qu’il avait ce qui lui convenait, il jugeait que les porcs devaient être contents quoique traités contre nature. Illusion d’optique causée par l’égoïsme.


G.   Le duc Hoan de Ts’i chassait près d’un marais, le ministre Hoan-tchoung conduisant son char. Soudain le duc aperçut un spectre. Posant sa main sur celle de Hoan-tchoung : le voyez-vous ? demanda-t-il à voix basse. ... Je ne vois rien, dit le ministre. — Quand il fut revenu à son palais, le duc divagua, se dit malade, et fut plusieurs jours sans sortir de sa chambre. Alors l’officier Kao-nao (de sang impérial) lui tint le discours suivant : Vous n’êtes malade que d’une folle terreur ; un spectre ne peut pas nuire à un personnage tel que vous. Quand trop d’esprit vital a été dépensé dans un accès de passion (colère ou terreur), il se produit un déficit. Quand l’esprit

  1. Humilité rituelle du disciple, qui doit craindre de faire tort à son maître, en rapportant mal son enseignement.