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C.   C’est dans le binôme ciel et terre que les anciens considéraient le Principe. C’est du mode d’agir de ce binôme qu’ils tirèrent les notions naturelles de la bonté (aveugle) et de l’équité (inconsciente), (opposées aux notions artificielles de la bonté et de l’équité scientifiques des Confucéistes) ; puis les notions de fonctions et d’offices ; puis celles de capacité, de responsabilité, de sanction, etc. Les notions abstraites augmentant, les intellectuels se distinguèrent des imbéciles ; il y eut des hommes supérieurs et des hommes inférieurs. Tous furent traités selon leur degré. Les Sages servirent le souverain, nourrirent les sots, les amendèrent par leur exemple, sans les contraindre, à l’instar de l’action du ciel et de la terre. Ce fut là l’ère de la paix absolue, du gouvernement parfait. On ne dissertait, on n’ergotait pas alors, sur les entités et les dénominations, comme font les sophistes de nos jours. On ne prétendait pas récompenser ou punir adéquatement tout bien ou tout mal, comme le voudraient nos légistes. Ils s’adressaient, pour toute solution, à la racine, à l’origine, au Principe qui les contient toutes ; et c’est cette vue de haut, qui faisait la supériorité de leur gouvernement. Tandis que, par le fait qu’ils se perdent dans les détails, nos sophistes et nos légistes ne sont propres à rien.


D.   Jadis Chounn, encore ministre, demanda à l’empereur Yao : Empereur de par le ciel, comment exercez-vous vos fonctions ? —

Yao répondit : Je n’opprime pas les petits, je ne fais pas de tort aux pauvres, je prends soin des veuves et des orphelins. — C’est bien, dit Chounn, mais c’est peu élevé. — Alors, demanda Yao, que devrais-je faire ? — L’influx du ciel, dit Chounn, pacifie par sa seule émanation. Pour produire la succession des saisons, les jours et les nuits, les nuées et la pluie, le soleil et la lune se contentent de luire. — Je comprends, dit Yao Je me suis trop agité, et ai trop voulu plaire.


E.   Confucius se rendait, de la principauté de Lou à l’Est, à la capitale des Tcheou, alors Lao-yang, à l’Ouest. Il voulait offrir ses livres à la bibliothèque impériale. Son disciple Tzeu-lou lui dit : J’ai ouï dire qu’un certain Lao-tan fut longtemps gardien de cette bibliothèque. Maintenant il vit dans la retraite. Faites-lui visite. Il pourra vous aider à obtenir que vos livres soient reçus. — Soit ! dit Confucius ; et il alla chez Lao-tan. Celui ci refusa net de patronner ses livres. Pour l’amadouer, Confucius commença à lui en exposer le contenu. — Pas tant de verbiage, fit Lao-tan ; dites-moi, en deux mots, ce qu’il y a dedans. — Bonté et équité, dit Confucius. — Ah !