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terre, lesquels transmettent à tous les êtres cette influence, laquelle devenue dans le monde des hommes bon gouvernement, y fait éclore les talents et les capacités. En sens inverse, toute prospérité vient du gouvernement, dont l’efficace dérive du Principe, par l’intermédiaire du ciel et de la terre. C’est pourquoi, les anciens souverains ne désirant rien, le monde était dans l’abondance ; ils n’agissaient pas, et tout évoluait ; ils restaient abîmés dans leur méditation, et le peuple se tenait dans l’ordre le plus parfait. Ce que l’adage antique résume ainsi : pour celui qui s’unit à l’Unité, tout prospère ; à celui qui n’a pas d’intérêt personnel, même les mânes sont soumis.


B.   Qu’elles sont vraies, ces paroles du Maître ! Combien grand, combien immense, est le Principe qui couvre et porte tous les êtres ! Que le souverain se garde bien de suivre son sens particulier ! L’action naturelle, voilà l’action céleste ; le verbe spontané, voilà l’influence céleste ; aimer tous les hommes et faire du bien à tous les êtres, voilà la vraie bonté ; fondre en un toutes les différences, voilà la vraie grandeur ; ne vouloir dominer les autres en rien, voilà la vraie largeur d’esprit ; posséder des choses diverses sans diviser son cœur, voilà la vraie richesse ; suivre l’influx céleste, voilà la suite dans les opérations : opérer sous cet influx, voilà l’opération efficace ; servir d’intermédiaire docile au Principe, voilà la perfection ; ne laisser abattre sa détermination par rien, voilà la constance. Que le souverain concentre en lui ces dix principes, puis les applique au gouvernement, et tout suivra son cours normal. Qu’il laisse l’or dans les rochers et les perles dans l’abîme, qu’il méprise la richesse et l’honneur, qu’il lui soit indifférent de vivre vieux ou de mourir jeune, qu’il ne tire pas vanité de la prospérité et ne se sente pas humilié par l’adversité, qu’il dédaigne tous les biens du monde, qu’il ne se glorifie pas de son exaltation. Que sa gloire soit d’avoir compris que tous les êtres sont un seul complexe universel, que la mort et la vie sont deux modalités d’un même être.


C.   Le Maître a dit : L’action du Principe par le Ciel est infinie dans son expansion, insaisissable dans sa subtilité. Elle réside, imperceptible, dans tous les êtres, comme cause de leur être et de toutes leurs qualités. C’est elle qui résonne dans les métaux et les silex sonores. Elle est aussi dans le choc qui les fait résonner. Sans elle, rien ne serait. ... L’homme qui tient d’elle des qualités de roi marche dans la simplicité et s’abstient de s’occuper de choses multiples. Se tenant à l’origine, à la source, uni à l’unité, il connaît comme les génies, par intuition dans le Principe. Par suite, sa capacité s’étend à tout. Quand son esprit est sorti par la porte d’un sens, par la vue par exemple, dès qu’il rencontre un être, il le saisit, le pénètre, le connaît à fond. Car les êtres étant devenus par participation du Principe, sont connus par participation de la vertu du Principe. Conserver les êtres avec pleine connaissance de leur nature, agir sur eux avec pleine intelligence du Principe, voilà les attributions de l’être né pour être roi. Il paraît inattendu sur la scène du monde, joue son rôle, et tous les êtres se donnent à lui. C’est qu’il a reçu du Principe les qualités qui font le roi. Il voit dans les ténèbres du Principe, il entend le verbe muet du Principe. Pour lui, l’obscurité est lumière, le silence est harmonie. Il saisit l’être, au plus profond de l’être ; et sa raison d’être, au plus haut de l’abstraction, dans le Principe. Se tenant à cette hauteur, entièrement vide et dénué, il donne à