Page:Leon Wieger Taoisme.djvu/626

Cette page a été validée par deux contributeurs.


J.   Yen-Hoei le disciple chéri, dit à son maître Confucius : J’avance… Comment le sais-tu ? demanda Confucius… Je perds, dit Yen-Hoei, la notion de la bonté et de l’équité… C’est bien, dit Confucius, mais ce n’est pas tout. — Une autre fois, Yen-Hoei dit à Confucius : Je profite… À quoi le reconnais-tu ? demanda Confucius… J’oublie les rites et la musique, dit Yen-Hoei… C’est bien, dit Confucius, mais ce n’est pas tout. — Une autre fois, Yen-Hoei dit à Confucius : Je progresse… Quel signe en as-tu ? demanda Confucius… Maintenant, dit Yen-Hoei, quand je m’assieds pour méditer, j’oublie absolument tout[1]. — Très ému, Confucius demanda : qu’est-ce à dire ? — Yen-Hoei répondit : dépouillant mon corps, oblitérant mon intelligence, quittant toute forme, chassant toute science, je m’unis à celui qui pénètre tout. Voilà ce que j’entends par m’asseoir et oublier tout. — Confucius dit : c’est là l’union dans laquelle le désir cesse ; c’est là la transformation, dans laquelle l’individualité se perd. Tu as atteint la vraie sagesse. Sois mon maître désormais !


K.   Tzeu-u et Tzeu-sang étaient amis. Une fois la pluie tomba à verse durant dix jours de suite. Craignant que Tzeu-sang, qui était très pauvre, empêché de sortir, ne se trouvât sans provisions, Tzeu-u fit un paquet de vivres, et alla le lui porter. Comme il approchait de sa porte, il entendit sa voix, moitié chantante, moitié pleurante, qui disait, en s’accompagnant sur la cithare : Ô père, ô mère ! Ô ciel, ô humanité !.. La voix était défaillante, et le chant saccadé. Tzeu-u étant entré, trouva Tzeu-sang mourant de faim. Que chantiez-vous là ? lui demanda-t-il. — Je songeais, dit Tzeu-sang, aux causes possibles de mon extrême détresse. Elle ne vient pas certes, de la volonté de mes père et mère. Ni, non plus, de celle du ciel et de la terre, qui couvrent et sustentent tous les êtres. Aucune cause logique de ma misère. Donc c’était mon destin[2] !


Chap. 7. Gouvernement des princes.

A.   Nie-k’ue posa à Wang-i quatre questions, auxquelles celui ci ne sut pas répondre. Sautant de joie, Nie-k’ue informa P’ou-i-tzeu de son triomphe. — Lui êtes vous vraiment supérieur ? dit P’ou-i-tzeu. L’empereur Chounn ne valut pas l’antique souverain T’ai-cheu. Entiché des vertus qu’il croyait posséder, Chounn critiqua toujours les autres. Le vieux T’ai-cheu ne fut pas si malin. Il dormait tranquille et veillait sans soucis. Il ne s’estimait pas plus qu’un cheval ou qu’un bœuf. Simple et paisible, il ne critiquait personne. Vous ressemblez plutôt à Chounn.

  1. Dès qu’il s’est délivré de ce qui constitue essentiellement le Confucéisme, bonté, équité, rites, musique, Yen-Hoei atteint à la contemplation taoïste, et Confucius est obligé de l’approuver !
  2. Voilà le dernier cri ; l’acquiescement aveugle au tour de la roue universelle, qui l’emporte toujours et qui le broie parfois ; le fatalisme taoïste.