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des voleurs, il suffira que vous mettiez en charge de bons officiers, qui administrent bien, et inculquent au peuple une bonne morale. ... Le marquis fit ainsi, et bientôt, étant devenus l’objet de la réprobation publique, tous les voleurs qui restaient dans ses États, s’enfuirent dans le pays de Ts’inn.

G. Confucius revenant de Wei à Lou, s’arrêta pour contempler la cascade de Ho-leang[1], laquelle tombant de deux cent quarante pieds de haut, produit un torrent qui bouillonne sur quatre-vingt-dix stades de longueur, si fort qu’aucun poisson ni aucun reptile n’y peut séjourner. Or, sous les yeux de Confucius, un homme traversa ces eaux tumultueuses. Confucius le fit féliciter par ses disciples, puis il lui dit lui-même : vous êtes très habile ; avez-vous une formule qui vous permette de vous confier ainsi à ces eaux ? — Avant d’entrer dans l’eau, dit l’homme, j’examine si mon cœur est absolument droit et loyal, puis je me laisse aller. Ma rectitude unit mon corps aux flots. Comme je fais un avec eux, ils ne peuvent pas me nuire. — Retenez ceci, dit Confucius à ses disciples. La rectitude gagne même l’eau, combien plus les hommes.

H. Le prince héritier Kien, fils du roi P’ing-wang de Tch’ou, ayant été calomnié par Fei-ouki, avait fui à Tcheng, où il avait été assassiné. Son fils Pai-koung méditait de le venger. Il demanda à Confucius : Y a-t-il des chances pour qu’un complot ne soit pas découvert ? — Confucius perça son intention et ne répondit pas. — Pai-koung reprit : une pierre jetée au fond de l’eau, peut-elle être découverte ? — Oui, dit Confucius ; par un plongeur du pays de Ou. — Et de l’eau mêlée à de l’eau, peut-elle être découverte ? — Oui, dit Confucius. I-ya discerna qu’il y avait, dans un mélange, de l’eau de la rivière Tzeu, et de l’eau de la rivière Cheng. — Alors, dit Pai-koung, à votre avis, une conjuration ne peut pas ne pas être découverte ? — Elle ne le sera pas, dit Confucius, si l’on n’en a pas parlé. Pour réussir, et à la pêche, et à la chasse, il faut le silence. La parole la plus efficace, est celle qui ne s’entend pas ; l’action la plus intense, est celle qui ne paraît pas. L’imprudence et l’agitation ne produisent rien de bon. Vous trahissez vos projets, par vos discours et votre attitude.Pai-koung ne tint pas compte de cet avertissement. Il provoqua une émeute, dans laquelle il périt.

I. Tchao-siang-tzeu ayant chargé Mou-tzeu le chef de ses meutes, d’attaquer les Ti (peuplade nomade), celui-ci remporta une victoire, et leur prit deux douars en un jour. Mou-tzeu en envoya la nouvelle à Tchao-siang-tzeu. Celui-ci l’ayant reçue pendant son repas, devint triste. — Qu’avez-vous ? demandèrent les assistants. Deux douars pris en un seul jour, c’est là une bonne nouvelle. Qu’est-ce qui vous afflige ? — Je pense, dit Tchao-siang-tzeu, que les crues des fleuves ne durent que trois jours, que les tempêtes ne durent qu’une fraction d’un jour. Ma maison est à l’apogée de sa fortune. Sa ruine va peut-être venir[2]. — Confucius ayant appris cette parole, dit : — Le prince de Tchao prospérera. — En effet, c’est la tristesse (avec la prudence qui en résulte) qui fait prospérer, tandis que la joie (imprudente) ruine. Remporter une victoire est assez facile, mais en conserver les fruits est

  1. Comparez chapitre 2 I.
  2. Comparez Lao-tseu chapitre 9.