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est pris sans défiance ni résistance. Et si vous, ô roi, appliquiez le même procédé au gouvernement de votre royaume, le résultat serait le même. ... Merci ! dit le roi de Tch’ou. ... Donc la volonté fait le continu, entre l’esprit et son objet.

I. Le cœur fait le continu, entre l’homme et sa famille. Koung-hou de Lou, et Ts’i-ying de Tchao, étant malades, demandèrent à Pien-ts’iao, le célèbre médecin, de les guérir. Il le fit, puis leur dit : ceci n’a été qu’une crise passagère ; la prédisposition constitutionnelle reste, vous exposant à des rechutes certaines ; il faudrait autre chose que des médicaments, pour enlever celle-là. — Que faudrait-il ? demandèrent les deux hommes. ... Toi, dit Pien-ts’iao à Koung-hou, tu as le cœur fort et le corps faible, et par suite tu t’épuises en projets impraticables. Toi, Ts’i-ying, tu as le cœur faible et le corps fort, et par suite tu t’épuises en efforts irréfléchis. Si je changeais vos deux cœurs, vos deux organismes se trouveraient en bon état. — Faites ! dirent les deux hommes. — Pien-ts’iao leur ayant fait boire du vin contenant une drogue qui les priva de toute connaissance durant trois jours, ouvrit leurs deux poitrines, en retira leurs deux cœurs, les changea, et referma les deux incisions avec sa fameuse pommade. A leur réveil, les deux hommes se trouvèrent parfaitement sains. — Mais voici que, quand ils eurent pris congé, Koung-hou alla droit au domicile de Ts’i-ying, et s’installa avec sa femme et ses enfants, qui ne le reconnurent pas. Ts’i-ying alla de même droit au domicile de Koung-hou, et s’installa avec sa femme et ses enfants, qui ne le reconnurent pas davantage. Les deux familles faillirent en venir à un litige. Mais quand Pien-ts’iao leur eut expliqué le mystère, elles se tinrent tranquilles.

J. La musique fait le continu entre l’homme et la nature entière. Quand P’ao-pa touchait sa cithare, les oiseaux dansaient, les poissons sautaient. Désirant acquérir le même talent, Cheu-wenn (qui devint plus tard chef de la musique de Tcheng) quitta sa famille, pour s’attacher à Cheu-Siang. Il passa d’abord trois années entières, à s’exercer au doigté et à la touche, sans jouer aucun air. Le jugeant peu capable, Cheu-Siang finit par lui dire : vous pourriez retourner chez vous. ... Déposant sa cithare, Cheu-wenn dit en soupirant : non, je ne suis pas incapable ; mais j’ai un but, un idéal plus haut que le jeu classique ordinaire ; Je n’ai pas encore ce qu’il faut, pour communiquer aux êtres extérieurs l’influence issue de mon cœur ; voilà pourquoi je n’ose pas faire résonner ma cithare ; elle ne rendrait pas encore les sons que je voudrais. Puisqu’il faut que je parte, je pars ; mais ce ne sera qu’une absence ; nous verrons bientôt. — De fait, pas lien longtemps après, Cheu-wenn revint chez Cheu-Siang. Où en est votre jeu ? lui demanda celui-ci. J’ai réalisé mon idéal, dit Cheu-wenn ; vous allez voir. ... On était alors en plein printemps. Cheu-wenn toucha la corde Chang, qui répond au tuyau Nan et à la saison d’automne ; aussitôt un vent frais souffla, et les fruits mûrirent. Quand, en automne, il toucha la corde Kiao, qui répond à la cloche Kia et à la saison du printemps, un vent chaud souffla, et les plantes fleurirent. Quand, en été, il toucha la corde U, qui répond à la cloche Hoang et à la saison d’hiver, la neige se mit à tomber et les cours d’eau gelèrent. Quand, en hiver, il toucha la corde Tcheng, qui répond au tuyau Joei-pinn et à la saison d’été, les éclairs brillèrent et la