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qu’un cheval blanc n’est pas un cheval, appelle la discussion de l’identité ou de la différence de la substance et des accidents ; un veau orphelin peut avoir une mère, s’il n’est pas orphelin ; etc. — Vous avez, dit Tzeu-u, appris à siffler la note unique de Koungsounn-loung. Il faudra que d’autres vous apprennent à vous servir des autres trous de votre flûte intellectuelle. Sous le coup de cette impertinence, le prince se tut d’abord. Quand il se fut ressaisi, il congédia Tzeu-u en lui disant : Attendez, pour reparaître devant moi, que je vous y invite.

M. Après cinquante ans de règne, Yao voulut savoir si son gouvernement avait eu d’heureux effets, et si le peuple en était content. Il interrogea donc ses conseillers ordinaires, ceux de la capitale et ceux du dehors ; mais aucun ne put lui donner de réponse positive. Alors Yao se déguisa, et alla flâner dans les carrefours. Là il entendit un garçon fredonner ce refrain : Dans la multitude du peuple, plus de méchants, tout est au mieux. Sans qu’on le leur dise, sans qu’ils s’en rendent compte, tous se conforment aux lois de l’empereur. — Plein de joie, Yao demanda au garçon, qui lui avait appris ce refrain ?… Le maître, dit-il. — Yao demanda au maître, qui avait composé ce refrain ?… Il vient des anciens, dit le maître. — (Heureux de ce que son règne avait conservé le statu quo antique, de ce que son gouvernement avait été si peu actif que les gouvernés ne s’en étaient même pas aperçu), Yao s’empressa d’abdiquer et de céder son trône à Chounn, (de peur de ternir sa gloire avant sa mort).

N. Koan-yinn-hi (Koan-yinn-tzeu) dit : A qui demeure dans son néant (de forme intérieur, état indéterminé), tous les êtres se manifestent. Il est sensible à leur impression comme une eau tranquille ; il les reflète comme un miroir ; il les répète comme un écho. Uni au Principe, il est en harmonie par lui, avec tous les êtres. Uni au Principe, il connaît tout par les raisons générales supérieures, et n’use plus, par suite, de ses divers sens, pour connaître en particulier et en détail. La vraie raison des choses est invisible, insaisissable, indéfinissable, indéterminable. Seul l’esprit rétabli dans l’état de simplicité naturelle parfaite, peut l’entrevoir confusément dans la contemplation profonde. Après cette révélation, ne plus rien vouloir et ne plus rien faire, voilà la vraie science et le vrai talent. Que voudrait encore, que ferait encore, celui à qui a été révélé le néant de tout vouloir et de tout agir. Se bornât-il à ramasser une motte de terre, à mettre en tas de la poussière, quoique ce ne soit pas là proprement faire quelque chose, il aurait cependant manqué aux principes, car il aurait agi.