Donc vouloir faire durer sa vie et échapper à la mort, c’est vouloir l’impossible. — Dans le composé humain, l’esprit vital est l’apport du ciel, le corps est la contribution de la terre. (L’homme commence par l’agrégation de son esprit vital avec les grossiers éléments terrestres, et finit par l’union du même esprit avec les purs éléments célestes. Quand l’esprit vital quitte la matière, chacun des deux composants retourne à son origine. De là vient qu’on appelle les (koei) morts, les (koei) retournés. Ils sont retournés en effet à leur demeure propre (le cosmos). Hoang-ti a dit : l’esprit vital rentre par sa porte (dans le Principe, voyez Lao-tzeu chap. 6 C et ailleurs), le corps retourne à son origine (la matière), et c’en est fait de la personnalité.
G. La vie d’un homme, de sa naissance à sa mort, comprend quatre grandes périodes, le temps de l’enfance, la jeunesse robuste, les années de la vieillesse, la mort. Durant l’enfance, toutes les énergies étant concentrées, l’harmonie du complexe est parfaite, rien ne peut lui nuire tant son fonctionnement est précis. Durant la jeunesse robuste, le sang et les esprits bouillonnant à déborder, les imaginations et les convoitises foisonnent, l’harmonie du complexe n’est plus parfaite, les influences extérieures rendent son fonctionnement défectueux. Durant les années de la vieillesse, les imaginations et les convoitises se calmant, le corps s’apaise, les êtres extérieurs cessent d’avoir prise sur lui ; quoiqu’il ne revienne pas à la perfection de l’enfance, il y a cependant progrès sur la période de la jeunesse. Enfin, par la fin de l’existence, par la mort, l’homme arrive au repos, retourne à son apogée, (à sa perfection intégrale, l’union avec le cosmos).
H. Confucius allant visiter le mont T’ai-chan, rencontra, dans la plaine de Tch’eng, un certain Joung-K’i, vêtu d’une peau de cerf, ceint d’une corde, jouant de la cithare et chantant. Maître, lui demanda-t-il, de quoi pouvez-vous bien vous réjouir ainsi ? — J’ai, dit Joung-K’i, bien des sujets de joie. De tous les êtres, l’homme est le plus noble ; or j’ai eu pour mon lot un corps d’homme ; c’est là mon premier sujet de joie. Le sexe masculin est plus noble que le sexe féminin ; or j’ai eu pour mon lot un corps masculin ; c’est là mon second sujet de joie. Que d’hommes, après leur conception, meurent avant d’avoir vu la lumière, ou meurent dans les langes avant l’éveil de leur raison ; or il ne m’est arrivé rien de pareil ; j’ai vécu quatre-vingt-dix ans ; voilà mon troisième sujet de joie... Et de quoi m’attristerais-je ? De ma pauvreté ? c’est là le lot ordinaire des Sages. De la mort qui approche ? c’est là le terme de toute vie. — Confucius dit à ses disciples : Celui-là sait se consoler.
I. Un certain Linn-lei, plus que centenaire, encore vêtu d’une peau au temps de la moisson du blé (maximum de la chaleur, parce qu’il n’avait aucun autre vêtement), glanait des épis en chantonnant. Confucius qui se rendait à Wei, l’ayant rencontré dans la campagne, dit à ses disciples : Essayez d’entrer en conversation avec ce vieillard ; il pourra nous apprendre quelque chose. — Tzeu-koung alla donc à Linn-lei, le salua, et lui dit avec compassion : Maître, ne regrettez-vous rien, que vous chantiez ainsi, en faisant cette besogne de mendiant ? Linn-lei continua de glaner et de fredonner, sans faire attention à Tzeu-koung. Mais celui-ci ne cessant de le saluer ; il finit par le regarder, et lui dit : Que regretterais-je ? — Mais, dit Tzeu-koung, de ne vous être pas appliqué et ingénié davantage, durant votre