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paraît être, dans ses grandes lignes, une adaptation chinoise de la doctrine indienne contemporaine des Upanishad. Le fait de l’importation ne peut pas être démontré, aucun document donnant le nom du colporteur et la date de sa venue n’existant. Mais l’argument «doctrine non-chinoise, alors courante dans l'Inde, épanouie en Chine tout d’un coup » crée, pour l’importation, une présomption qui frise la certitude, à mon avis. J’ai dit (page 138 C) que le dualisme |^ {>|^ yinn-yang figure pour la première fois dans un texte de Confucius, un contemporain de Lao tzeu, qui put apprendre de lui. Nous allons voir tantôt le grand rôle que ces deux modalités jouent dans le Taoïsme. Les Indianistes retrouveront peut-être un jour l’original indien de cette roue binaire neuve, qui va remplacer en Chine la vieille roue quinaire des agents naturels. — Ce dualisme une fois accepté, la vogue du Taoïsme parmi les penseurs chinois, vogue qui dura jusqu’à l’invention du Néo-confuciisme, s’explique. J’ai signalé, dans ma sixième Leçon (page 61), l’incohérence de l’admission, par les Anciens décadents, d"une roue des cinq agents tournant à côté du Souverain d’en haut, sans que celui-ci la fit tourner. Les penseurs chinois sentirent le déficit du système, mais n’osèrent jamais mettre au Souverain d'en haut la manivelle en main. Grand fut le soulagement de ces intellectuels, quand Lao-tzeu leur offrit la roue taoïste binaire, actionnée par le Principe, par l’Unité. Ce monisme remplaça dans leur esprit le vieux théisme. Il le remplace encore de nos jours, les Néo-confuciistes ayant changé les termes plutôt que la chose, comme nous verrons en son temps. Tout monisme chinois dérive de Lao-tzeu.


Les textes, concis jusqu’à l’obscurité, du Patriarche, furent développés, un à deux siècles plus tard, en un magnifique langage, par Lie-tzeu et Tchoang-tzeu, les Pères du Taoïsme. — ^Ij / Lie-tzeu, maître Lie, de son nom JlJ ^P. ^ Lie u-k’eou, vécut obscur et pauvre, dans la principauté de gl) Tcheng, durant quarante ans. Il en fut chassé par la famine, en l’an 398. A cette occasion, ses disciples mirent par écrit la substance de son enseignement. C’est tout ce que nous savons et avons de lui. On ne sait pas ce qu’il devint. — 庄子 Tchoang-tzeu, maître Tchoang, de son nom ^’ jj] Tchoang-lchcou, originaire du pays de "^ Leang, ne nous est guère mieux connu. Une charge lui fut offerte en 339, ce qui suppose qu’il avait alors au moins quarante ans, plutôt cinquante. Il mourut vers 320, probablement Très instruit, plein de verve, il passa lui aussi volontairement sa vie dans l’obscurité et la pauvreté, bataillant en chevalier sans peur contre les erreurs et les abus de son temps. — Aux deux Pères on peut appliquer les paroles dites par Seu-ma ts’ien de Lao-tzeu : «ayant aimé la retraite et l’obscurité pardessus tout, ils effacèrent délibérément la trace de leur vie». A noter, que tous les deux sont pratiquement antérieurs au contact gréco-indien sur l’Indus, sous Alexandre. A noter aussi, que le premier développement du Taoïsme, se fit dans les provinces méridionales de la Chine. Il ne passa dans les provinces septentrionales que plus tard, mais y eut ensuite un succès intense.

La doctrine de Lie-tzeu et de Tchoang-tzeu est la même que celle de Lao-tzeu, plus étendue, plus riche, seulement. Les idées de ces hommes, les seuls penseurs que la Chine ait produits, sont à étudier avec soin, car leur influence