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sous des lunettes énormes et ses innombrables galons sur sa personne minuscule, me firent malgré moi perdre mon sérieux.

Le 9, nous quittâmes Nagasaki après avoir été transbordés sur le Natal. Trois jours après, nous remontâmes le Yang-Tsé jusqu'à Shanghaï. Dans cette dernière ville, on débarqua quelques malades jugés incapables de continuer la traversée. A Shanghaï, toutes les puissances alliées étaient représentées chacune par un assez fort détachement. Nos camarades restés en garnison dans cette ville nous racontèrent qu'à plusieurs reprises de véritables batailles avaient eu lieu entre les soldats anglais et ceux des autres nations ; les Anglais, paraît-il, « écopaient » toujours. Un camarade qui ne manquait pas d'esprit appelait cela : se faire la main sur les... boxeurs. Evidemment, c'étaient là de tristes exemples qu'on donnait aux Chinois, mais je répète, tout en le regrettant, qu'en Chine le soldat anglais s'est attiré une véritable antipathie par sa morgue, son sans-gêne et son égoïsme. Pour tout dire, s'il a fait preuve en maintes circonstances de qualités indiscutables, il a par contre ignoré ou affecté d'ignorer cette vertu primordiale du soldat en campagne : la camaraderie.

Le 13, nous reprîmes la mer, toujours aussi agitée. Avec cela, le brouillard était si épais que nous faillîmes aborder un bateau anglais, puis nous échouer sur un rocher. On avançait très lentement, en tirant de temps à autre des coups de canon à blanc. Trois jours après ce voyage extrêmement pénible, nous arrivâmes à Hong-Kong où la peste bubonique battait son plein. Nous ne pûmes donc pas descendre à terre, et cela à notre grand regret, car la ville avec toutes ses lumières électriques offrait le soir un panorama éblouissant.

Le 20, nous étions à Saïgon. Entre Hong-Kong et Saïgon, nous eûmes à déplorer la mort d'un second-maître qui avait participé à la prise de Takou et de Tien-Tsin. Il succomba à la suite de fièvre et d'anémie.