contenait 63 francs et je l'ai glissé sous ton traversin.
Puis il se mit à me donner quelques leçons de savoir-vivre, nécessaires dans un monde aussi cosmopolite. Je l'écoutai comme un jeune élève écoute un vieux maître, et là-dessus je m'endormis.
Le lendemain matin au réveil tous les lits étaient faits en un clin d'œil et la chambre mise en état de propreté. Les anciens légionnaires allaient à leurs travaux, les uns casser des cailloux sur la route, les autres maçonner ou jardiner, tous habillés en bourgeron de toile et en pantalon de treillis d'une propreté irréprochable. A dix heures la soupe sonnait ; on mangeait dans les chambrées, chacun dans sa gamelle. J'ai trouvé cette soupe excellente, bien cuite à point et servie avec une propreté extrême.
Les hommes mangeaient comme je l'ai dit, chacun dans sa gamelle, mais par groupes sympathiques, ce qui leur permettait d'acheter à deux ou à trois un litre de vin et de la salade. Mon camarade de lit m'engagea à en faire autant avec lui. Nous avions entamé une conversation pendant le déjeuner ; il avait une figure qui m'inspirait confiance ; d'ailleurs l'histoire du porte-monnaie était à son honneur. — Comment t'appelles-tu ? lui demandai-je. — Marco, me répondit-il. Mais on m'appelle ici Crista. — Pourquoi ? — Mes camarades prétendent que je prononce souvent les mots « Crista, Madona ». Que veux-tu, je suis d'Italie. C'est un mot qui revient chez nous à chaque instant, je ne peux pas m'en déshabituer. — Et, en effet, il le répétait cinquante fois par jour, si bien que j'ai fini moi-même par l'appeler Crista. C'était un homme d'une grande intelligence, et j'éprouvais toujours du plaisir à l'entendre parler. Il me disait qu'il était ancien officier italien, qu'il avait quitté l'armée italienne pour des injustices qu'il avait subies dans l'avancement. — Tu trouveras ici des hommes, me disait-il, qu'on taxe en France de mercenaires et de bien d'autres noms encore. Certains de ces hommes