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chaque membre de la famille impériale chinoise choisit de son vivant l’emplacement de sa sépulture. Ainsi l’empereur, décédé depuis, qui régnait au moment de l’expédition, avait, quoique très jeune, déjà choisi sa dernière demeure que marquait une énorme pierre enfoncée en terre. Deux ou trois fois l’an, toute la famille impériale fait un pèlerinage aux Tombeaux.

Notre prise de possession de la nécropole impériale fut marquée par un léger incident.

Le colonel Rondony avait reçu la délicate mission d’occuper les Tombeaux. Les Allemands, par jalousie, voulurent s’emparer de quelques groupes de sépultures (ces groupes sont distants de plusieurs kilomètres) et cherchèrent à dépasser notre colonne en s’avançant par des sentiers détournés. Le colonel était accompagné par un peloton monté sur des mulets et par un interprète chinois qui connaissait à merveille tous les chemins. Il arrivait partout le premier, et plaçait près de chaque groupe des sentinelles avec une consigne écrite, libellée ainsi : « Défense de laisser passer aucun militaire d’une nation étrangère sous peine de mort. » Cependant, arrivé au groupement de Taï-Ling, il trouva des Allemands qui le menacèrent de tirer sur lui et sur ses cavaliers s’il cherchait à s’avancer. Mais ils comptaient sans le courage et la ferme volonté de notre chef qui, pour toute réponse, piqua une charge avec ses cavaliers. Les Allemands n’osèrent pas faire feu ; d’ailleurs, le maréchal allemand de Waldersee, informé de l’incident, leur fit abandonner ce groupe de tombeaux et seuls les Français continuèrent à l’occuper.

Il existe treize groupes de ces tombeaux. Chacun d’eux, ainsi que le village qui se trouve à proximité, porte le nom du premier personnage qui y a été enterré. Dans les divers mausolées reposent quarante-sept dépouilles mortelles de sang impérial ; ceux de six groupes sur treize restent vides, les morts ayant été exhumés parce qu’ils étaient isolés, et transférés