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Cependant quelques actes de piraterie, pas bien graves, se produisirent encore et motivèrent de temps à autre des reconnaissances et des coups de fusil.

Au mois de mai 1900, nous embarquâmes sur la Caravane pour retourner au Tonkin.

A peine arrivé, je fis une demande pour accomplir une quatrième année de séjour. Elle me fut accordée. Un camarade de l'état-major m'avait prévenu que quelque chose d'anormal se passait en Chine, du côté de Pékin, et que fort probablement le corps d'occupation du Tonkin y enverrait du monde. Comme les troupes revenant de Quang-Tchéou-Wan ne devaient pas participer aux opérations prévues, je me mis aussitôt en instance pour changer de régiment. Je réussis, mais non sans peine, à faire aboutir ces démarches.

En arrivant au 9e régiment à Hanoï, je demandai au capitaine de ma nouvelle compagnie de vouloir bien me faire comprendre parmi les hommes désignés pour la Chine. — C'est de la folie, me dit-il ; vous tenez donc à vous crever de fatigue ? — Non, mon capitaine, répondis-je ; je connais mon tempérament et une campagne de plus, ce n'est pas cela qui m'effraye. — Oui, répliqua-t-il, mais tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse. — Néanmoins, je plaidai si bien ma cause, qu'il m'inscrivit sur la liste des partants en ajoutant : — C'est vous qui l'aurez voulu, tant pis pour vous. — C'était la quatrième ou cinquième fois que j'entendais cette phrase, et je suis encore de ce monde.

Je remplaçais un camarade malade et, comme le détachement devait partir le lendemain pour Haïphong, j'eus vite fait mon ballot. Avec les camarades, je quittai Hanoï le cœur joyeux, en répétant la phrase de César lorsqu'il franchit le Rubicon : Alea jacta est. On nous embarqua sur le Cachar, de cette fameuse compagnie dite Nationale, qui traite si mal les soldats de la nation. Le croiseur Friant nous accompagnait. Trois