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J'avais appris que le maréchal Sou était envoyé par le gouvernement chinois pour procéder avec nous à la délimitation du territoire et nous avons vu comment ce personnage officiel fut reçu par la population. D'autre part, nous savions que nos adversaires étaient des soldats réguliers chinois et qu'ils avaient résolu de nous massacrer sans merci. Adoptant notre système, ils élevaient des ouvrages à 2 kilomètres de notre poste, sur la hauteur du Ché-Cam, où nous les voyions distinctement avec des jumelles. Ils creusaient aussi des tranchées dans une vaste plaine à l'extrémité de champs de cannes à sucre dont les hautes touffes les dissimulaient. Il était visible qu'ils cherchaient à nous tendre des pièges et que nous avions en face de nous l'armée régulière. Cependant nous étions là en vertu d'un traité. Comprenne qui pourra cette supercherie !

Dans un laps de temps très court, notre compagnie avait diminué de quarante hommes, tombés malades par suite de fatigues excessives et de privations ; d'autres, quoique souffrants, ne le déclaraient pas de peur d'être évacués. Dans l'ensemble, nous étions si mal en point qu'il fut question de nous réexpédier. On ne le fit pas, parce que l'amiral que notre capitaine renseignait sur l'état d'esprit de ses hommes, savait que nous ferions notre devoir jusqu'au bout. Dans notre misère, les Dames de France ne nous oubliaient pas. Un envoi de quelques caisses contenant du papier à lettre, du savon, des bougies et du chocolat, nous était parvenu et nous rendait grand service. Entre temps, on créait deux autres postes, Sin-Tzin et Point-Nivet. Le nôtre fut aussi renforcé de deux canons de 65 m/m et de deux canons-revolvers à tir rapide.

Malgré l'hostilité générale du pays, quelques indigènes habitant les alentours commençaient à venir vers nous ; quelques-uns s'étaient installés près des postes, sous notre protection, et vendaient quelques victuailles. Les alertes de nuit étaient toujours très