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Les camarades d’Albert l’avaient surnommé le triste, et il avait fini par être connu à Berne sous ce nom. Bien des femmes se demandaient quel malheur était arrivé à ce beau jeune homme et pourquoi il allait ainsi dans la rue, les regardant tour à tour sans en fixer aucune.

Toutes ses relations à Berne se réduisaient à la famille Leüg. Le brave mercier avait toujours quelque chose à dire à son locataire quand il le rencontrait, et plus d’une fois, par ses instances importunes, il entraîna le jeune homme dans un petit salon où Louisa se tenait une partie de la journée, brodant ou faisant de la musique. Là, M. Leüg forçait Albert de s’asseoir à une petite table sur laquelle Louisa apportait soit une choppe de bière fraîche et mousseuse, soit d’excellentes liqueurs ; puis le mercier parlait de son commerce, de ses projets, de ses espérances, de sa fortune. Il lui arriva même une fois de dire qu’il préférerait un gendre sage et laborieux, quoique sans fortune, à un jeune homme d’à