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volonté ? qu’il ne veut pas venir ? qu’il ne viendra pas ? Cependant, si notre jardin reste en friche, que mettrons-nous sur la table cette année ?

— Je ne sais que faire, vois-tu. Quand j’essayerais encore de bêcher moi-même… tu sais bien qu’au bout d’un quart d’heure je suis tout en nage. Quant à prendre un autre journalier, nous n’avons pas de quoi le payer, ma pauvre fille. Tiens, ce qui m’occupe encore davantage, c’est notre champ, qui ne se laboure ni ne s’ensemence, tandis que tous les autres blés de printemps sont déjà faits. Il faudra, Lucie, que tu ailles toi-même chez Mourillon le presser de venir. Moi, je suis las de lui en parler. Ah ! rien ne va, ma pauvre enfant, rien ne va et j’ai bien du chagrin !

— Du chagrin ! répéta la jeune fille étonnée, car ce mot là n’était pas dans les habitudes de langage de M. Bertin. Quoi donc ? y a-t-il quelque autre chose encore, mon bon père ?

— Oui, la santé de la sœur commence à m’inquiéter beaucoup. Le docteur est venu tout à l’heure. Il a encore ausculté la poitrine, et alors il a fait deux ou trois grimaces que j’ai sur le cœur. Tiens, Lucie, je crains que ça ne finisse mal.

— Oh ! cher papa, dit Lucie, les craintes sont exagérées. Clarisse est si forte !

— Oui, certes, elle l’était. Mais songe donc qu’il y a déjà près de deux ans que cette maladie a commencé. Mon Dieu ! où peut-elle avoir pris ça ? Nous sommes tous robustes dans la famille. Mais, Lucie, ne dis rien de toutes ces choses à ta mère. Tout à l’heure, me sentant devenir tout bête, je m’en suis allé pour qu’elle n’en vît rien. Ah ! mon Dieu ! la voici ! Donne-moi ton sécateur, Lucie, vite, que je me sauve, et qu’elle ne se doute pas…

La voix de M. Bertin s’éteignit au milieu de sa phrase,