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— Oui, je connais Mlle  Chérie, répondit Gavel ; une beauté brune aux fortes jambes.

— Comment ! Gavel, comment ! vous connaissez les jambes de Mlle  Perronneau ! s’écria M. Bourdon en interrompant la lecture de son journal.

— Attendez un peu, dit Gavel en riant. Voici comment l’ampleur, de ses jambes et la finesse de son langage se révélèrent à moi du même coup. Au sortir du village, étant dans ma voiture, je la rencontrai dans ce chemin étroit qui précède la ferme des Èves. Elle était à califourchon sur une grosse jument blanche qu’elle fit trotter promptement à grands coups de poings et de talons, en l’appelant… mais il ne m’est pas permis de reproduire cette éloquence dans toute sa verdeur. À l’issue du chemin, elle rangea sa bête, et, me lançant à mon passage une œillade ingénue, elle murmura d’une voix flûtée ces douces paroles : Bonjour, monsieur l’ingénieur !

Les trois mentons de Mme  Bourdon s’agitèrent sous un long rire, et M. Bourdon s’écria :

— Fort bien, mon cher ! Alors faites-lui la cour dans l’intérêt de nos chemins, car cette tête-là est pour quelque chose dans l’administration de la commune.

— Serait-elle du conseil municipal ? demanda Gavel.

— Pas tout à fait ; mais, si elle n’assiste pas aux séances, il ne s’en faut que de l’épaisseur d’une cloison. C’est une fine oreille, et le père Perronneau a coutume de dire qu’elle a l’esprit de deux garçons.

— Oh ! c’est une fille de tête… capable de mener plusieurs intrigues d’un coup, dit Mme  Bourdon, en adoucissant le ton de sa voix, de manière à n’être entendue que de Gavel. — Du moins, à ce qu’on dit, ajouta-t-elle, avec une suave nonchalance. Ce qu’il y a de charmant, reprit-elle plus haut, c’est le nom dont on les nomme, elle et sa mère, dans le village. Les paysans, vous le sa-