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bon, et vous ne le verrez pas comme les aut’ gars du village, qui sont bien les plus risibles du monde, faire le faraud et le fendant. C’est pas lui qui porterait la livrée comme Isidore. Voyez-vous, ce qui lui fait envie, à lui, c’est les vraies belles et bonnes choses, et ce n’est rien que pour ça qu’il voudrait n’être pas paysan.

— Sais-tu que tu es enthousiaste de Michel, dit en souriant Lucie.

Gène rougit encore.

— Allons ! ne vous moquez pas de moi, dit-elle d’un ton suppliant. Michel est venu nous voir deux fois depuis qu’il est de retour, mais il ne m’a rien dit que d’honnête et d’amical. Savez-vous, mam’zelle Lucie, pourquoi il a quitté Château-Bernier. C’est toute une histoire.

— Je ne la sais pas, répondit Lucie, mais tu me la diras une autre fois, car voici maman et Clarisse tout au bout de l’avenue, et j’aurai peine à les rejoindre pour ne pas faire mon entrée toute seule. Adieu, chère bonne.

Elle sauta au cou de Gène, l’embrassa tendrement, et, relevant autour d’elle sa robe et son manteau, elle se mit à courir sous les grands marronniers avec une rapidité pleine de grâce et de force, due à sa souplesse naturelle autant qu’à ses habitudes champêtres.

On entrait par une large grille dans la cour de M. Bourdon, cour vaste et entièrement sablée, à l’exception dès quatre angles et d’un rond-point. Les angles étaient remplis par des massifs d’arbres verts que bordait une ceinture des fleurs de la saison. Quant au rond-point, c’était une de ces merveilles qui renommaient la propriété de M. Bourdon. Au milieu, des orangers, des lauriers-roses et des myrtes s’élançaient chargés de fleurs. Puis venait un cercle épais de rhododendrons, de camélias, de fougères, au-dessous desquels s’étageaient bruyères, azalées, calcéolaires et jasmins, entourés d’un cordon rampant de