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Alors une pensée cruelle lui vint à l’esprit : Clarisse, autrefois si forte et si fraîche, n’était-ce pas l’ennui d’une vie sans espoir qui la tuait lentement ? Lucie faillit se jeter dans ses bras et la serrer en pleurant sur son cœur ; mais quelque doute la retint, et puis Clarisse était fière et peu expansive.

Après une assez longue insomnie, Lucie ne s’endormit que pour tomber dans des rêves pénibles. Elle se voyait avec sa sœur, couchée dans un cercueil paré de roses blanches. Du milieu de la foule nombreuse sortait Aurélie en robe de mariée, qui d’un geste plein d’élégance leur jetait de l’eau bénite, en relevant sa robe et en prenant garde de mouiller ses gants. Michel vint ensuite ; il apportait les sabots de Lucie, et, après les lui avoir chaussés, il dit, en la prenant par la main : — Levez-vous et marchez ! Mais Lucie ne le pouvait, parce que Mlle  Boc, debout, au pied du cercueil, le bras étendu comme une pythonisse, l’y maintenait d’un geste formidable, en même temps qu’elle disait à l’assistance d’un ton larmoyant : — Pauvre petite ! quel dommage ! elle m’eût succédé au bureau de tabac !