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faisaient peu de cas, d’abord parce qu’il causait trop avec eux, puis parce qu’il était pauvre, et enfin parce qu’on trouvait pourtant extraordinaire qu’il ne fît rien d’un bout de l’an à l’autre ni de son esprit ni de ses mains.

À la veillée, quand Mme  Bertin et ses filles se furent assises, pour coudre et broder, autour d’une chandelle posée sur une petite table, après un long silence :

— Lucie, dit la mère, ne penses-tu pas que vos robes de percale blanche, bien repassées, pourraient être de mise aux noces de ta cousine ?

— Je ne crois pas, maman ; on n’y verra sans doute que des robes de soie.

— Oui ; mais pour des jeunes filles, la simplicité n’est-elle pas ce qui sied le mieux ? Étant demoiselles d’honneur, vous mettriez des fleurs dans vos cheveux, ce qui vous permettrait de vous passer de chapeau.

— Je crois que cela ne se fait plus, maman.

— Oh ! la mode ne s’occupe que d’occasionner de la dépense. Mais pourtant, à la campagne… qu’en penses-tu, Clarisse ?

— Il vaudrait mieux ne pas y aller, maman.

— Ah ! par exemple, vous qui n’avez jamais de distractions, ce serait un peu fort, si vous manquiez celle-là ! Il faut pourtant se montrer un peu. Comme tu as l’air sombre, ce soir, Clarisse !

— Maman, c’est que j’ai mal à la tête. Je ne veillerai pas davantage.

Elle alla se coucher. Deux heures après, quand Lucie à son tour entra dans la chambre où elles partageaient le même lit, elle trouva Clarisse éveillée de façon à montrer qu’elle n’avait pas dormi, et brûlée d’une fièvre ardente. Lucie lui donna quelques soins et se coucha près d’elle ; puis elles restèrent silencieuses l’une et l’autre. Mais Lucie crut entendre plus d’une fois soupirer sa sœur.