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UN MARIAGE SCANDALEUX.

tout d’un temps et que j’aurais voulu être à cent pieds sous terre. Du depuis ce temps-là, Gène, j’ai plus de respect pour Mme Michel que pour aucune femme que ce soit dans le monde ; elle m’a rendu des services comme si de rien n’était, et je me mettrais au feu pour elle, voyez-vous.

— Vous êtes une brave femme, et avisée, vous, Bourguignonne, dit Gène fort émue. Pour trouver encore à reprendre au mariage de Mme Michel, il faut être aveugle et imbécile. Tout a changé dans la maison. Le malaise y était, on n’y voit qu’aise à présent. Depuis que Mme Bertin s’est mise à prendre soin de la basse-cour, elle ne pousse plus tant de soupirs et ne dit plus de si grands mots ; tout au contraire, elle vous parle en femme raisonnable de ses poulets, de ses dindons, de ses canards, et on voit que ça l’amuse. Il n’y a pas jusqu’à M. Bertin qui se soit décidé à faire quelque chose, puisqu’il s’est pris de si grande amitié pour la vache Pigeaude, qu’il ne veut pas qu’un autre la soigne, et qu’il va se promener avec elle tous les jours. Enfin je vous dis, moi, que c’est des gens heureux, et m’est avis que c’est assez dire, puisqu’il y en a si peu.

Gène peut-être n’eût pas encore abandonné ce sujet, si les cris de sa fille ne l’eussent rappelée. Arrivée sous le pommier, elle y trouva Lucie qui tenait déjà la petite Geneviève dans ses bras. Les deux jeunes femmes, après s’être regardées, se demandèrent en même temps :

— Qu’as-tu donc ?

— J’ai pleuré, dit Lucie.

— Je viens de me fâcher, dit Gène.

— Oh ! oh ! méchante, pourquoi donc ?

— Dis-moi d’abord pourquoi tu as pleuré.

— Tu le devines, c’est à cause du chagrin de mon oncle Bourdon. Il est bien malheureux ! Aurélie veut suivre son mari. Songe quel éloignement, plus de deux