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truire leurs enfants, pourtant ils n’en feront jamais des messieurs, ni des demoiselles, à moins donc que les enfants ne le veuillent absolument.

— C’est drôle, ça ! dit une laveuse.

Sur quoi les autres répétèrent : Oui, ma foi, c’est drôle tout à fait !

— C’est donc pour ça que Mme Michel ne met pas à sa fille des pantalons brodés, comme en a la fille à la Chérie ?

— Oui, dit Gène.

— Eh ben, elle a, tort, voyez-vous, observa la Lurette, parce que la Chérie s’en moque, elle qui est si fière ! Si j’étais que Mme Michel, moi, je voudrais que Micheline fût la plus belle, et la Chérie en crèverait de dépit

— Tenez, fit Gène en se levant avec impatience, ça servirait autant de battre un bâton dans l’eau que d’essayer de vous faire comprendre quelque chose.

— Je vous comprends, moi, Gène, dit la Bourguignonne, qui jusqu’alors n’avait presque rien dit. C’est que Mme Michel n’a point d’orgueil, et c’est l’orgueil qui fait faire au monde tant de sottises. Moi, je la méprisais comme les autres aut’fois, pour son mariage, et quand je pense à toutes les mauvaisetés qu’on a dites, et aux avanies qu’on lui faisait… sans compter qu’on en aurait fait davantage, si l’on n’avait pas eu peur de Michel… enfin c’était une abomination, quoi ! Donc, j’étais dans ce temps-là aussi bête et aussi méchante que les autres, en sorte qu’un jour que Mme Michel passait devant nous, je m’en rappellerai toute ma vie, je me mis à crier — faut-il, Seigneur ! jamais je me pardonnerai ça, quand même je vivrais cent ans — je me mis donc à crier : Eh ! la Michel ! m’attendant qu’elle passerait sans me répondre et bien fâchée, quand, point du tout, je vois sa figure qui se tourne de mon côté, si douce et si riante que ça me fend le cœur