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— Pourquoi qu’elle tient ses enfants propres comme des petits messieurs ? La Lurette vient-elle pas à la fontaine tous les lundis lui laver un paquet de linge comme on n’en salit pas en trois mois chez nous ? C’est-il des manières paysannes, ça ?

— On ne les blâme pas, reprit une autre ; mais enfin on sait bien qu’ils se collent le nez dans les livres tous les dimanches et toutes les veillées d’hiver, au lieu d’aller comme ça les uns chez les autres causer un peu de ce qui se passe. Michel s’est-il pas mis à cultiver la terre à sa mode, sans égard à la coutume ?

— Et ça ne lui réussit point, pas vrai ? demanda Gène avec un regard foudroyant.

— C’est vrai qu’il a de belles récoltes, et les gens disent même que le bien vaut plus qu’auparavant ; mais ils disent aussi qu’il est fou de se donner tant de peine, puisqu’il partagera avec M. Gustave à la mort des père et mère ?

— Voyez-vous ça ? Eh bien ! voulez-vous que je vous dise ce qui est fou là dedans ? c’est la parlerie du monde. Pas plus tard que la première année de son mariage, Michel a fait estimer le bien par expert, et ils ont fait un acte avec M. Gustave comme quoi Michel aurait à donner en argent la moitié de la valeur, après quoi le bien serait tout à sa femme et à lui. Ils en ont déjà payé une bonne part.

Ce dernier argument fit une vive impression sur l’assemblée.

— Oh ! donc ! dirent-elles, Michel va devenir un gros monsieur.

— Non, répliqua Gène, car ils ne veulent point cela, ils disent que le meilleur moyen d’être heureux c’est d’être paysans comme ils sont, avec de la connaissance et l’amour du travail. Et quand même ils feront bien ins-