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— Non, reprit Gène du même ton, non qu’elle n’est pas une vraie paysanne, puisque les dames pourraient prendre modèle sur elle, tout comme vous autres. Est-ce qu’elle n’est pas assez bonne, assez aimable, assez accueillante, voyons ?

— Oui ben, oui ben, répondirent-elles toutes ensemble, on n’en dit pas de mal, et vous ne devez pas, Gène, vous fâcher pour ça.

— Faudrait avoir trop de patience pour ne pas se fâcher, dit la jeune femme, en secouant si fort sa nappe dans l’eau qu’elle en arrosa toutes les laveuses de la pluie fine et perlée qui s’en tamisa. Oui, ça fait pitié que vous en soyez encore là tout bêtement à vous gausser de Mme Michel, seulement parce qu’elle a trouvé que nous valions autant que les autres, et qu’elle s’est mariée avec un paysan. Vous êtes donc bien fous, allez, de n’estimer les gens que quand ils vous méprisent, et de les mépriser quand ils font cas de vous.

— Seigneur Jésus, dit la Lurette, personne ici méprise Mme Michel, ben au contraire. Il n’y en a point de meilleure et de plus charitable, et tout le monde l’aime par ici. Mais voyez-vous, Gène, c’est parce qu’elle n’a pas fait comme les autres, et parce qu’elle continue toujours de faire à sa mode ; c’est là pourquoi on lui trouve à redire.

— À redire sur quoi ? demanda Gène.

— Eh bien, dit résolûment une des laveuses, pourquoi ne porte-t-elle pas la coiffe, puisqu’elle est la femme d’un paysan !

— Parce que ça est lourd, et lui ferait mal à la tête, répondit Gène d’un ton concentré.

— Pourquoi du moins ne la fait-elle point porter à la Micheline ?

— Parce qu’elle se méfie que ça l’empêcherait d’avoir de l’esprit, répliqua Gène du même ton.