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de la collation et par l’espoir de certaines confitures que dispensait grand’maman Bertin.

Restée seule, après avoir donné un dernier regard aux petits dormeurs, Gène descendit en courant vers la fontaine.

Autour du bassin, les laveuses agenouillées frottaient mollement leur linge en écoutant la Lurette qui disait :

— C’est pour le sûr, puisque la Touron l’a su de Mlle Boc. Seulement, je me rappelle pas le nom du pays, parce que la Touron a pas su me le dire.

— Le savez-vous, Gène ? demanda-t-on de toutes parts.

— Quoi ? dit la jeune femme qui, après avoir relevé ses manches au-dessus du coude et s’être agenouillée aussi, commençait déjà de frotter. Ce que je sais pour le moment, c’est que le soleil baisse et qu’il faut nous dépêcher.

— On se dépêchera ! on se dépêchera ! Mais de remuer la langue, ça n’empêchera pas les bras d’aller, et vous pouvez ben nous dire si c’est vrai que la fille à M. Bourdon va s’en aller de France avec son mari.

— On le dit, répliqua Gène.

— Et oùs qu’elle irait donc ?

— En Amérique.

— C’est-il loin ?

— Oh ! très-loin ! reprit Gène, si loin qu’on n’en revient guère, allez !

— Seigneur ! faut-il ! une petite dame si mignonne ! trop fière tout de même ! elle est donc obligée de suivre son mari ? Et c’est-il à cause de ce qu’il a fait, ce M. Gavel, qu’on l’envoie là-bas ?

— Non, puisque ça n’a pas été prouvé, quoiqu’on sache bien qu’il est fautif.

— De vrai, dit la Lurette, j’en ai jamais ben su l’histoire, parce que la Touron elle-même s’y entendait guère,