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je ne sais point, mais je me défie que vous n’étiez guère plus que Mme Bertin portée pour ce mariage.

— Dame ! répondit la Françoise avec un peu d’humeur, savais-je, moi, comme ça tournerait ? De vrai qu’à voir mon garçon épouser une demoiselle, j’en avais le cœur malade d’angoissement. Nous autres gens d’âge, voyez-vous, nous aimons la coutume, parce que c’est comme qui dirait plus commode et plus sûr. Mais tout à l’heure vois-je pas que les choses sont tout à fait pour le mieux ? Allons, ma fille, je vas vous donner un coup de main là-bas, si vous n’avez rien à me commander ici.

— J’ai porté peine à ta mère, dit Gène après le départ de la bonne femme (car Gène tutoyait maintenant son amie, celle-ci l’ayant exigé). Mais vois-tu, les gens m’ont causé tant de chagrin pour ton mariage qu’à présent je ne peux pas m’empêcher de demander à tout le monde : Eh bien, qu’en dites-vous ? est-ce qu’elle avait tort ? Et surtout depuis cette horrible aventure de M. Gavel ! Eux qui t’avaient tant méprisée dans le temps, les Bourdon ! je voudrais bien pouvoir leur demander à présent laquelle de toi ou de Mme Gavel est la mieux mariée ?

— Tu es une orgueilleuse, dit Lucie avec un tendre sourire. Ma bonne Gène, cette revanche est trop cruelle pour qu’on puisse s’en féliciter.

— Oh ! je sais bien ! Mais nous avons comme ça un grain de méchanceté dans l’âme qu’on ne peut pas empêcher de pousser. Dis-moi, est-ce vrai que M. Gavel à présent veut aller en Amérique ? C’est Mlle Boc qui a dit cela.

— Je ne sais pas. Je n’ai pas vu mon oncle depuis longtemps. Mais cela ne m’étonnerait guère, parce qu’après un pareil éclat il doit être mal vu en France de tout le monde, partout où il sera. Elle se tourna vers le haut de la prée, du côté de la maison, en disant :