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et jusqu’aux lucarnes du grenier. Mais, dès huit heures du matin, elle courut à l’église, où elle observa toutes les cérémonies d’en haut, par le trou des cloches. Le cortége fut en retard. Au moment de partir, une défaillance avait pris Mme Bertin. Elle déclara tout haut en pleurant que le courage lui manquait pour affronter la risée publique. Lucie pâlit en regardant Michel ; mais il répondit par un sourire.

— Madame Bertin, dit-il, donnez-moi le bras et venez avec moi. Je vous jure que personne ne rira sur votre passage, quand je devrais fermer la bouche à toute la paroisse. Mais ça ne vous convient pas ? Eh bien, prenez toute seule par le plus long, pendant que nous irons de l’autre côté. Vous êtes sûre de ne rencontrer personne là où l’on sait que nous ne passerons point.

Elle fit ainsi. Quant à M. Bertin, il avait pris son parti depuis plusieurs jours. Il ne mariait pas sa fille à son gré, c’est vrai, mais il la mariait : c’était déjà quelque chose. Il avait d’ailleurs la faculté de se faire admirablement aux circonstances, pourvu qu’elles n’eussent rien de pénible matériellement. Déjà il s’était mis en frais de grosses plaisanteries. Puis il se réjouissait aussi de faire enrager Mme Bourdon.

On partit. Lucie marchait devant, donnant le bras à son père. Elle n’avait pas voulu afficher le costume ordinaire des demoiselles bourgeoises ; elle avait une robe de mérinos bleu, un fichu de tulle blanc croisé sur la poitrine comme ceux des paysannes, et sur sa tête un léger voile très-court dont une branche de fleurs d’oranger fixait les plis par derrière. Elle était si charmante et si modeste ainsi, que la foule, venue pour l’insulter, au moins dans sa pensée, laissa échapper un murmure d’admiration et la suivit d’un œil respectueux.

Gène, mariée depuis huit jours, venait ensuite, don-