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amitié, car tu auras besoin d’amis bientôt, ma pauvre enfant. Je crois toujours que tu fais une folie ; mais tu es pure et sincère, et je ne puis te plaindre qu’en t’admirant.

— Vous avez tort de me plaindre, répondit-elle ; on ne peut avoir tous les biens ensemble, et j’ai pour mon partage ce qu’il y a de meilleur.

Cependant les préparatifs du mariage, si pleins de charmes pour tant d’autres, ne furent pour elle qu’un calice d’amertume à vider. Seule, elle eût eu plus de force, mais il lui fallait à chaque instant soutenir les défaillances de son père et de sa mère, trop faibles et trop peu généreux pour accomplir sans murmurer la tâche qu’ils avaient acceptée. Dans les démarches officielles qu’il eut à faire, M. Bertin eut l’air d’un homme honteux de ce qu’il fait, et quand on lui adressa des railleries, il répondit par des injures et des emportements qui donnèrent au public plus ample pâture. Gustave à son tour accourut de Poitiers pour s’opposer à ce mariage, qu’il qualifiait de déshonorant. Il accabla sa sœur d’injures et provoqua en duel Michel qui refusa.

— On sait bien que je ne puis pas avoir peur de ton frère, dit il à Lucie, quand il s’agira d’une lutte à coups de poing ; quant au pistolet, comme il disait, c’est une honte qu’un chrétien puisse avoir de pareilles idées, et tout le monde ici me trouverait méchant ou fou d’avoir accepté. D’ailleurs, on en pensera bien ce qu’on voudra ; je n’ai qu’une affaire, c’est de t’épouser, et l’on ne me forcera point à m’occuper d’autre chose.

Le 1er  octobre on vint à Chavagny de plusieurs lieues à la ronde. Aux fenêtres des maisons, dans les rues, à la mairie, dans l’église, partout, des curieux avides s’attroupèrent. Les Bourdon s’étaient absentés, Mlle Boc avait clos, en signe de deuil, toutes les ouvertures de sa maison,