tout à coup la porte se rouvrit, et M. Bertin se précipita vers elle :
— Ne pleure pas, je veux que tu sois heureuse, entends-tu ? Je le veux ! Et pressant de ses deux mains la tête de Lucie, le pauvre homme, dont le cœur venait de se briser à l’aspect d’un lit vide, éclata en sanglots.
Le lendemain, à peine des teintes plus claires annonçaient-elles le jour que Lucie parut à sa fenêtre. Les plantes dormaient encore sous la rosée ; une fauvette, éveillée par le bruit de l’espagnolette, leva sa tête indolente au-dessus des feuilles d’un poirier, et tirant la patte commença languissamment sa toilette du matin. La jeune fille jeta un long regard sur la maison de Michel, mais elle était encore fermée. Cependant de minute en minute de grandes lueurs s’étendaient largement sur la campagne ; tout s’éveillait peu à peu ; on voyait çà et là s’agiter des branches ; les coqs chantaient, et la lumière commençait à se mirer dans la rosée. Il faisait frais. Enveloppée de son petit châle, un fichu de tulle noué sous le menton, Lucie tenait à la main un mouchoir blanc, et ses yeux restaient fixés obstinément sur la maison de Michel. Enfin le volet tournant sur ses gonds gémit harmonieusement dans l’air matinal, et Michel parut. Du premier regard il aperçut le mouchoir flottant à la fenêtre de Lucie, et tout aussitôt il se mit à courir, tandis qu’elle-même, étouffant le bruit léger de ses pas, descendait en hâte.
Ils se rencontrèrent dans le bosquet.
— Ah ! dit-il en la pressant dans ses bras, merci, ma Lucie ! Qu’il y a de temps que je ne vous avais point embrassée ! Nous ne nous voyons plus.
— Vous n’êtes pas content ? dit-elle en le regardant.
— Ne suis-je pas toujours plus que content, ma Lucie, quand je vous vois ?
— Et quand vous n’êtes pas avec moi !