— Ainsi, vous me refusez, sans aucune raison, mon bonheur et le bonheur de celui que j’aime ! Vous oubliez que, moi aussi, je puis mourir !
— Lucie ! cria Mme Bertin.
— Suis-je un être à vivre seulement d’air et de nourriture ? Il me faut la vie, la vie humaine, ou la tombe de ma sœur !
Elle se repentit aussitôt, par tendresse pour eux, d’avoir proféré ces derniers mots. Cependant elle venait de gagner la victoire.
— L’entends-tu, Fortuné ? s’écria Mme Bertin en se levant, hors d’elle-même, les bras étendus vers son mari. Je te l’avais bien dit ! non ! non ! celle-ci ne mourra pas comme l’autre ! Lucie, je consens à ton mariage.
— Bon ! cria le père, c’était bien la peine de dire autrement.
— Fortuné, poursuivit la mère en se jetant à genoux devant lui, cède aussi, je t’en conjure, cède au nom de Clarisse. Rappelle-toi quand tu me suppliais de t’épouser et que je m’opposais à tes vœux à cause de notre pauvreté, rappelle-toi que tu me disais : Le malheur, c’est d’être seul, il n’y en a point de plus grand ! Je t’ai cru ! hélas ! et notre première fille, l’enfant de notre amour, est morte de chagrin, parce qu’elle s’est trouvée seule dans la vie, sans avenir et sans espoir. Il ne faut pas que l’autre la suive ; Fortuné, je ne le veux pas !
— Lucie n’est pas malade, répondit-il, et tout ça c’est des idées. Mais ce que femme veut, Dieu le veut. Qu’elle se marie ! Moi, je quitte le pays !
En même temps, il s’enfuit dans la chambre voisine, dont il ferma violemment la porte derrière lui. C’était la chambre où Clarisse était morte.
Lucie pleurait en silence dans les bras de sa mère, ne pouvant accepter un consentement donné ainsi, quand