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din, sarclait, relevait quelque clôture, ou ratissait les allées en compagnie de Lucie. L’après-midi, il venait lire et étudier avec elle, ou causer avec M. Bertin. Dans tout embarras, on avait recours à lui, et, bien souvent, quand il n’était pas là, on invoquait sa présence. Son excellent caractère, son jugement, sa dignité naturelle et l’attachement qu’amène l’habitude, le rendirent de plus en plus nécessaire au milieu de la famille, et effaçaient aux yeux de M. et Mme Bertin la tache originelle de la naissance et de l’éducation. Cependant tout l’été s’écoula sans que la question du mariage fût soulevée. Lucie pendant longtemps espéra dans l’initiative de sa mère. Mais à mesure que s’affaiblissait l’ébranlement du coup terrible qui un instant avait annulé toute vanité dans l’âme de cette femme, elle retombait sous l’empire de ses préjugés et recommençait à souffrir à l’idée d’une mésalliance. Quant à M. Bertin, on ne pouvait compter que sur son insouciance. Il acceptait sans vergogne les services de Michel, en échange, pensait-il, des leçons que Lucie donnait à ce jeune homme, sans s’apercevoir que l’écolier en savait aussi long maintenant que l’institutrice, et qu’on ne faisait plus qu’étudier à deux. Peut-être aussi faisait-il entrer quelque peu en compte l’honneur que leur intimité faisait à Michel. Cependant le souvenir des cinquante francs prêtés le gênait souvent, et il eût voulu pouvoir les restituer ; mais le moyen ? Depuis que la pauvre malade n’était plus, certes, ils avaient moins de besoins et leur misère était moins cruelle, mais sa mort même avait causé de nouvelles dépenses, qu’on n’avait encore pu combler. L’année s’annonçait assez mauvaise. Les foins avaient peu donné, et le blé de M. Bertin était le plus maigre des environs.

— On vous a mal fait ça, disait Michel en se promenant avec lui le long des guérets. C’est de mauvais ouvrage, monsieur Bertin. Voyez-vous, les gens n’ont pas